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L'Eté de 1939 avant l'orage

L'Eté de 1939 avant l'orage

Titel: L'Eté de 1939 avant l'orage Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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donné son adresse. Elle habitait le quartier Côte-de-Sable, une section largement francophone d’Ottawa. Plutôt que d’attendre un taxi à cette heure de la nuit, Renaud décida de marcher. Un pont tout près de l’hôtel Elgin permettait de passer le canal Rideau. À sa gauche s’élevait la masse sombre de l’édifice de l’Université d’Ottawa. Il bifurqua dans la rue King Edward, arriva bientôt devant un bel immeuble de briques rouges. Les fenêtres d’un seul appartement demeuraient éclairées. La jeune femme l’attendait dehors devant la porte. Après un «Merci» murmuré, elle le mena au second étage.
    â€” J’ai fait du thé.
    Le logement comptait une chambre, une minuscule cuisine, un séjour où se trouvaient une petite causeuse et un fauteuil.
    â€” Asseyez-vous, j’arrive dans un instant.
    Quand elle revint avec un plateau, ses mains tremblaient assez pour produire un léger bruit de vaisselle qui s’entre-choquait. Renaud se leva à demi du siège, fit le geste de l’aider, reprit sa place en constatant qu’elle se tirerait très bien d’affaire toute seule. Un moment plus tard, une tasse à la main, il commenta:
    â€” Ce sera difficile pour le Parti libéral, mais avec les événements internationaux, tout le monde oubliera vite.
    â€” Voulez-vous assurer sa défense?
    â€” …
    â€” Sa défense. Il a été arrêté, il sera accusé de meurtre.
    Bien sûr, quand des histoires de ce genre survenaient, le premier suspect était le conjoint. À moins d’avoir un bon alibi, les soupçons se portaient sur lui. L’arrestation du député n’avait rien de surprenant.
    â€” Je ne fais pas de droit criminel, vous le savez bien.
    â€” Vous en faites parfois…
    Depuis son retour dans la province de Québec en 1925, Renaud Daigle avait accepté de défendre une demi-douzaine de personnes, pas tout à fait une tous les deux ans.
    â€” Des accusés sans argent, dont personne ne voulait s’occuper. Davidowicz a tout intérêt à se trouver un bon criminaliste…
    â€” Il a confiance en vous. Moi aussi.
    â€” Je vous assure, je suis loin d’être le meilleur choix pour lui.
    â€” … Je vous le demande comme un service personnel.
    Le ton de sa voix toucha Renaud. Elle avait eu le même treize ans plus tôt, au moment de lui quémander son amour, ce qu’il avait repoussé. Pouvait-il encore lui dire non? Devant ses yeux rouges et son visage chiffonné, impossible.
    â€” Écoutez, je veux bien parler avec lui…
    Pour lui conseiller de se dénicher au plus vite un défenseur compétent, pensa-t-il. Le député comprendrait certainement où se trouvait son intérêt.
    â€” Pouvez-vous m’en raconter un peu plus?
    â€” Je ne sais pas grand-chose. En rentrant chez lui, ce matin, il a découvert sa femme morte. Un coup de feu. Elle avait été… agressée.
    Cela voulait-il dire «violée»? Un mari qui viole sa douce moitié et la tue, cela paraissait bien improbable. La loi ne reconnaissait même pas le concept de viol entre des époux.
    L’homme avait le droit aux «avantages» du mariage et la conjointe, l’obligation d’accepter. Seule une trop grande brutalité pouvait entraîner des poursuites contre le premier.
    â€” Comment savez-vous tout cela?
    â€” … Après que l’ambulance eut emmené sa femme, il m’a téléphoné.
    Quelle curieuse tournure prenait cette histoire. Le député aurait dû contacter un avocat, ou Ernest Lapointe à titre de chef de la représentation politique du Québec. Sans doute son interlocutrice avait-elle répondu à l’appel destiné au ministre. D’un geste de la tête, Renaud fit signe à Élise de continuer.
    â€” Les policiers ne l’ont pas arrêté tout de suite. Ils sont venus le chercher en après-midi. Arden a pu téléphoner à l’un de ses parents, qui a averti le cabinet du premier ministre de ce qui arrivait.
    L’avocat exprima sa surprise en levant les sourcils. Élise fit le geste de boire un peu de thé, reposa la tasse contre la soucoupe. Les yeux rivés sur le plancher, elle murmura:
    â€” Ce n’est pas lui, l’assassin.
    â€” Peut-être. Mais dans ces

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