Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Eté de 1939 avant l'orage

L'Eté de 1939 avant l'orage

Titel: L'Eté de 1939 avant l'orage Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
cas-là, le coupable se trouve le plus souvent parmi les proches…
    â€” Je sais que ce n’est pas lui.
    â€” Bien sûr, c’est difficile à accepter. On ne croit jamais que des gens en viennent à cette extrémité. Les meurtriers paraissent habituellement des plus respectables. Tout le monde demeure surpris. Davidowicz était chez moi hier après-midi, affable…
    â€” J’étais avec lui!
    Son ton était monté soudainement, ses yeux s’accrochaient maintenant à ceux de son vis-à-vis. Elle continua, très vite:
    â€” Nous nous sommes quittés ce matin. Il m’a reconduite à la gare avant de rentrer à la maison. Il devait prendre ses affaires et venir à Ottawa en auto, pour les travaux parlementaires.
    Renaud affichait de grands yeux ahuris, à tel point qu’elle se fâcha presque et jeta, excédée:
    â€” Tout de même, est-ce si difficile à admettre? Je suis sa maîtresse. Nous étions ensemble depuis samedi. Je suis allée avec lui à Sainte-Agathe, nous sommes revenus dimanche en matinée parce qu’il devait vous rencontrer. Alors qu’il discutait avec vous, je me trouvais dans un parc, à deux pas. J’ai même aperçu votre femme et votre fille dans une automobile.
    Il m’a rejointe en vous quittant.
    Quarante ans, célibataire, toujours séduisante, Élise Trudel avait connu l’amour dans les bras d’un député de religion juive, marié. L’étonnement sur le visage de Renaud confinait à l’insulte. Comme si elle avait dû faire une croix sur toute vie amoureuse, après qu’il l’eut repoussée.
    â€” Je comprends, admit-il enfin.
    Bien sûr, cela ne voulait pas nécessairement dire que Davidowicz n’avait pas commis le meurtre: celui-ci avait peut-être eu lieu ce matin seulement, lors d’une scène de l’épouse trompée, ou alors dès le vendredi précédent. Dès que le médecin légiste ferait connaître l’heure de la mort, les choses deviendraient plus claires.
    â€” Il est impossible de rendre notre relation publique, cependant, murmura son interlocutrice.
    â€” Mais cela le disculperait…
    â€” Cela ruinerait sa carrière. Au moment où les Juifs ont besoin d’un bon représentant au Parlement, ils se retrouveraient sans défense. La mienne aussi, si on peut qualifier de carrière mon petit travail.
    â€” Ce prix n’est rien, comparé à une accusation de meurtre.
    Elle secoua la tête, au bord des larmes. Après un moment, elle supplia:
    â€” Vous acceptez de l’aider?…
    â€” Je verrai ce que je peux faire. Vous devez répéter ce que vous m’avez expliqué à Ernest Lapointe. Cela peut se retrouver dans les journaux dans quelques heures. Des gens ont pu vous remarquer ensemble.
    â€” … Demain. Demain, je le lui dirai.
    Cette perspective l’empêchait de se réjouir totalement de la réponse de Renaud. Sa carrière à elle, car c’en était bien une, ne survivrait sans doute pas. La pécheresse risquait de se faire lapider par les bonnes âmes du Québec, mais le député aurait peut-être plus de chance. Les frasques des hommes leur valaient des murmures admiratifs et jaloux, celles des femmes, le plus grand mépris.
    â€” Pourriez-vous venir dire un mot à Lapointe demain matin? l’implora-t-elle. Il sera satisfait de vous voir mêlé à cette histoire.
    Renaud se troubla en comprenant le sens qu’elle donnait à sa demi-promesse, puis acquiesça de la tête. Pourquoi le ministre serait-il heureux de voir un constitutionnaliste défendre un libéral accusé de meurtre? Pourtant, après une pause, la curiosité le gagna:
    â€” Mais ce matin vous étiez à Ottawa lors de ma visite?
    â€” Je suis rentrée par le train de sept heures. Je suis arrivée une heure à peine avant vous.
    La timidité de l’avocat l’empêcha de poser toutes les questions qui se bousculaient dans son esprit, dont une surtout: où se trouvait le couple illicite au moment du crime, en admettant que celui-ci ait été commis dans la nuit de dimanche à lundi? Entendre qu’ils étaient au lit l’aurait fait rougir.
    Quelques minutes plus tard, l’homme regagnait son hôtel en se demandant pourquoi, dans un si court laps de temps,

Weitere Kostenlose Bücher