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L'Eté de 1939 avant l'orage

L'Eté de 1939 avant l'orage

Titel: L'Eté de 1939 avant l'orage Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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militant du Parti de l’Unité nationale n’a trempé dans cette entreprise?
    â€” Bien sûr, c’est ce qu’il faut répondre. Personne n’a collaboré à ça. Seuls des traîtres à notre cause peuvent reprendre des histoires pareilles, pour nous nuire.
    â€” Vous ne croyez pas possible qu’un membre, ou un sympathisant, ait pu poser ce geste? Une initiative individuelle.
    â€” Cela, comment pourrais-je le savoir? Des centaines de milliers de personnes partagent nos idées. Le Parti ne peut pas être tenu responsable de tous les dégénérés qui pensent qu’exécuter une femme dans sa maison peut aider à régler le problème de la juiverie internationale.
    En disant ces mots, Arcand fixait chacun de ses lieutenants dans les yeux, à tour de rôle. À tout le moins, chacun comprenait que tous devraient répéter cette explication. Pendant quelques jours encore, au risque de soulever les soupçons, l’informateur poserait la question à tous les chefs de section.
    Ã€ la fin il aurait la conviction qu’aucune personne dotée d’une once d’autorité au sein du Parti de l’Unité nationale n’avait ordonné l’exécution de Ruth Davidowicz. Qu’un dégénéré, pour reprendre les mots du Pontifex Maximus , se soit senti investi d’une mission de ce genre, impossible de le savoir.

    La soirée passée dans une taverne au milieu de la fine fleur du nazisme montréalais avait laissé Renaud bien songeur. Le jeudi 15 juin, une fois sa femme et sa fille parties de la maison, il chercha au fond d’un placard sa chemise et sa veste de prolétaire pour les revêtir à nouveau. L’homme trouva ensuite une paire de lunettes vieille de quelques années et enroula un bout de ruban adhésif sur la pièce de la monture de corne qui reliait les deux lentilles. Chacun croirait qu’elle était cassée et réparée de cette façon. Après avoir dépeigné soigneusement ses cheveux, l’avocat s’empressa de sortir devant une Julietta interdite. Si la domestique l’avait vu chercher les amoncellements de poussière tout le long du chemin vers la rue du Parc, afin de souiller ses chaussures, sans doute aurait-elle téléphoné à Virginie pour la prier de faire venir les infirmiers de l’asile d’aliénés Saint-Jean-de-Dieu.
    Visiter les quartiers les plus défavorisés de la ville forçait Renaud à s’identifier un peu mieux à la masse des laissés-pour-compte. Ceux-ci le regarderaient comme l’un des leurs, plutôt que comme un bourgeois curieux de leur misère.
    Un tramway lui permit d’effectuer tout le trajet jusqu’à la rue Sainte-Catherine, un autre le conduisit à Verdun. Rue Wellington, l’avocat put constater que l’adresse sur sa carte de membre du Parti de l’Unité nationale correspondait à une très modeste maison de chambres. Pendant quelques minutes, il parcourut les rues Ethel, Gertrude, Evelyn, Verdun, Joseph et Claude, jusqu’à s’imprégner de la morosité régnant dans ce quartier ouvrier. Les édifices de briques sombres, hauts de deux ou trois étages, ressemblaient le plus souvent à des boîtes d’allumettes. Les portes d’entrée donnaient directement sur le trottoir. Ici, les enfants pouvaient sans doute atteindre l’âge de raison sans jamais avoir aperçu un brin d’herbe. Même un jour de classe, des garçons, rarement des fillettes, dépenaillés erraient dans les rues.
    Crasseux, les membres et le visage souvent galeux, ces jeunes avaient un sourire qui affichait une abondance de caries et une infinie tristesse.
    Dans cette partie de l’île de Montréal, une proportion effarante des gamins devait mourir avant l’âge d’un an. Les survivants ne pouvaient se considérer comme sortis d’affaire ensuite. Toutes les maladies infectieuses, dont la plus terrible, la tuberculose, devaient accomplir encore d’horribles ravages.
    Résolu à poursuivre son exploration vers l’est, Renaud Daigle décida de suivre la rue Wellington jusqu’à longer les ateliers du Canadien National de Pointe-Saint-Charles. Il parcourait là le plus vieux quartier industriel de Montréal, délimité au sud par les quais sur le fleuve Saint-Laurent, au

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