L'Eté de 1939 avant l'orage
genre dâaction doit être revendiqué.
Bien sûr, câétait la difficulté de cette hypothèse. Impossible de faire preuve de discrétion pour marquer les imaginations par la violence!
Pendant tout le trajet vers Outremont, lâinformateur avait zigzagué dans les rues de Montréal, les yeux fixés sur son rétroviseur, afin de sâassurer de nâavoir personne derrière lui.
Quelques minutes plus tard, Renaud prenait une première douche pour se débarrasser de toutes les odeurs recueillies pendant la soirée.
Personne ne peut prétendre quâune séparation dâun peu plus de vingt-quatre heures soit bien cruelle. Pourtant, quand Renaud cueillit les deux rouquines à la gare, Nadja lui fit une fête. Un moment plus tard, alors quâil démarrait la voiture, la gamine lui expliquait depuis la banquette arrière:
â Hier soir, comme maman était seule, jâai partagé son lit. Comme cela, elle nâa pas eu peur.
â Câétait une gentille attention de ta part, répondit son père en adressant un regard amusé à sa femme, assise près de lui, à lâavant.
Alors que le récit détaillé de la journée précédente se continuait, Renaud sâétait engagé vers le sud, puis vers lâouest, pour regagner Outremont. Au moment où il sâarrêta devant un feu rouge, le babillage provenant de la banquette arrière sâarrêta un moment, puis Nadja reprit dâune voix préoccupée:
â Tu as vu tous ces hommes, près de lâéglise? Pourtant, ce nâest pas lâheure des vêpres.
Sur le côté de la grande bâtisse de pierres grises, une centaine dâhommes faisaient la file, devant une porte à lâarrière donnant vraisemblablement dans la sacristie.
â Ces hommes attendent sans doute pour la soupe, répondit lâavocat en engageant la première vitesse alors que son pied pressait la pédale dâembrayage.
â Tu veux dire que ce sont des chômeurs trop pauvres pour sâacheter à manger?
â Probablement. Des personnes leur offrent un repas.
Mais tu sais déjà tout cela.
Alors que lâautomobile avançait à nouveau, la fillette se retourna pour continuer de regarder ces hommes par la lunette arrière. Bien sûr, ce genre de scène ne se produisait pas à Outremont. Si les paroisses de cette ville faisaient leur part pour soulager la misère, cela nâallait pas jusquâà tolérer la présence de plusieurs dizaines de miséreux sur les pelouses bien entretenues des fabriques.
â Est-ce que nous les aidons?
Le «nous» désignait la famille Daigle. La bonne humeur de la gamine faisait place à une sourde inquiétude. Depuis quelques jours les journaux avaient évoqué la faillite de Montréal. Des femmes désespérées assiégeaient les hôtels de ville partout dans la province afin de réclamer de lâaide, alors que les gouvernements provincial et fédéral se faisaient tirer lâoreille pour apporter leur contribution.
â Oui Nadja, nous les aidons, expliqua Virginie en se tournant à demi afin de voir les yeux de sa fille.
â Mais ce nâest pas suffisant, puisque tous ces hommes sont encore obligés dâaller à la soupe populaire.
â Tu as raison. Il faut espérer que les choses iront bientôt un peu mieux.
Encore une fois, Georges Minou aurait droit à de longues confidences sur les difficultés économiques au moment où la gamine irait au lit. Depuis des années, elle déversait ses inquiétudes dans ses oreilles poilues avant de pouvoir sâendormir. Quant à lâanimal, il ne sâen portait pas plus mal, somnolant tout son saoul pendant un bon dix-huit heures tous les jours!
Lâhon. M. Duplessis à lâaide de Montréal
LA PROVINCE CONSENT $125,000 POUR PAYER LES SECOURS DIRECTS
Grâce à lâintervention du premier ministre de la province, lâhon. M. Duplessis, les chômeurs de Montréal recevront leurs secours directs, lundi matin, comme à lâordinaire, et la ville continuera à payer ses fonctionnaires.
à 1 heure, hier après-midi, à la suite dâun caucus de près de deux heures, le maire convoquait les journalistes pour les informer que lâhon. M. Duplessis avait avisé les banques
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