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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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avec une population réduite des deux tiers, certes, mais d’autant plus effervescente qu’elle avait conscience d’avoir trompé la mort. Pernelle s’en réjouissait fort, elle qui avait joué un rôle non négligeable dans ce dénouement.
    —    Je crois bien que le Sud est hors de danger, conclut-elle. Pour ce qui est du Ignis sacer, en tout cas.
    —    Et les croisés ? m’enquis-je.
    Ugolin, qui avait lui aussi retrouvé ses couleurs et semblait se porter à merveille, prit le relais.
    —    Il n’en est pas venu d’autres. La rumeur a dû circuler qu’il valait mieux se tenir loin de Mondenard.
    —    Quel jour sommes-nous ?
    —    Le quatorzième d’octobre.
    —    Déjà ? m’étonnai-je. Bougre de Dieu. Comme si j’avais le loisir de gaspiller deux semaines de ma vie.
    Je me frottai le visage de ma main valide et réalisai à quel point j’avais besoin de me raser. Et de me laver, aussi. J’empestais tant que je me sentais moi-même.
    —    À cette heure, repris-je, les Foix et le vieux bougre ont certainement livré bataille à Montfort. Je me demande s’ils ont réussi.
    —    Nous l’apprendrons tôt ou tard.
    Pernelle laissa aller ma main.
    —    Déshabille-toi.
    —    Quoi ?
    —    Tu m’as bien entendue.
    J’étais trop accoutumé à l’autorité médicale de mon amie pour me rebiffer. J’obtempérai et me retrouvai in naturalibus 1  devant elle. Sans aucun malaise, elle inspecta le moindre recoin de ma personne à la recherche de signes du retour éventuel du feu sacré.
    —    Rhabille-toi, ordonna-t-elle lorsqu’elle fut satisfaite.
    —    Alors ?
    —    Toutes les taches ont disparu. Tu es guéri, Gondemar.
    —    Hormis ce souvenir, dis-je en brandissant ma main infirme.
    Je me mis à arpenter la pièce de long en large.
    —    Nous avons traîné beaucoup trop longtemps ici. Nous devrions déjà être dans le Nord. Si les Foix ont échoué, Montfort et ses hommes continueront leur marche et arriveront bientôt. S’ils ont vaincu, nous courrons toujours le risque que le comte de Toulouse surgisse sans prévenir. Les deux aimeraient bien me mettre la main au collet.
    —    Alors espérons que Roger Bernard s’est arrangé pour que le cadavre soit retrouvé.
    —    Dès que tu iras mieux, nous pourrons reprendre la route vers Gisors, dit Pernelle.
    —    Nous partirons dès demain, décrétai-je.
    Mon amie me regarda de travers et ouvrit la bouche pour protester, mais, pour une fois, le regard sombre que je lui adressai la fit taire. Elle scella ses lèvres en grondant, contrariée. Je donnai quelques instructions, sachant que je pouvais compter sur Ugolin pour bien faire les choses.
    —    Il reste un forgeron et un cordonnier à Mondenard ? demandai-je.
    Je n’avais d’autre choix que de poursuivre en faisant de mon mieux. Tôt ou tard, je serais libéré de la via dolorosa 2 , mais pour l’heure j’étais condamné à vivre. Aussi bien le faire efficacement.
    Le lendemain matin, dès l’aube, j’étais prêt. Il était hors de question que nous reportions notre départ, même d’une journée. Nous avions déjà beaucoup trop tardé et chaque minute comptait. En ce moment même, Montfort ou le comte de Toulouse étaient peut-être en direction de Mondenard.
    Je me sentais encore faible et j’essayais de ne pas tenir compte des vertiges qui m’affectaient de temps à autre quand je bougeais trop vite, ni des toussotements qui me prenaient après un effort. Il faut dire que je n’avais pas dormi ces derniers jours et que j’étais vanné.
    La veille au soir, après le départ de Pernelle et d’Ugolin, je m’étais rendu auprès du forgeron et l’avais tiré de son sommeil. Une fois dans sa boutique, je lui expliquai ce que j’avais en tête. Après s’être déclaré capable de le réaliser, il s’était mis au travail. Je le guidai de mon mieux et, quelques heures plus tard, j’eus ce que je souhaitais : une arme à nulle autre pareille. La chose était fort simple : deux fines lames pointues et acérées d’un pouce 3  de long, logées dans le creux de mon index et de mon majeur devenus inutiles. Elles étaient reliées à un mécanisme qui traversait la paume pour se fixer à mon poignet. Il me suffisait de secouer la main vers le bas pour actionner un loquet dans une glissière et les deux lames surgissaient au bout de mes doigts. D’inutile, ma main se transformait en

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