L'Étreinte de Némésis
Olympias.
— La
dame peintre est déjà partie, répondit-il. Iaia est sortie dès que le
philosophe s’est trouvé mal.
— Partie ?
Tu veux dire : quitté la pièce ?
— Non,
la maison. Elle est retournée chez elle, à Cumes. Je le sais, parce qu’elle m’a
envoyé aux écuries voir si ses chevaux étaient prêts.
— C’est
vraiment ennuyeux, regrettai-je. J’aurais bien voulu m’entretenir avec elle.
Meto
nous fit traverser toutes les salles. Puis, après un angle du couloir, il nous
indiqua la porte des appartements de Dionysius.
Il
s’agissait de deux petites pièces, simplement séparées par un rideau. Dans la
première une table ronde, entourée de chaises, se trouvait près d’une fenêtre.
Celle-ci donnait sur les petites collines boisées à l’ouest. Dans un coin, une
amphore en terre cuite était posée sur une table basse. En soulevant le
couvercle, je sentis monter l’odeur de la rue, du silphium et de l’ail.
— Voilà
le mélange de Dionysius. Empoisonné ou pas, il va falloir le brûler ou le jeter
dans la mer pour être sûr qu’il ne fera plus de mal.
La
seconde pièce, meublée avec austérité, ne renfermait qu’un lit, une lampe
suspendue et un grand coffre.
— Pas
grand-chose à voir, dis-je à Eco.
Je
commençai à tenter d’ouvrir le coffre. Mais il était fermé à clé.
— Nous
pourrions fracturer la serrure. Je ne pense pas que Crassus y trouverait à
redire et nous pouvons demander aux mânes de Dionysius de nous pardonner. D’ailleurs,
j’ai l’impression que quelqu’un a déjà essayé de la forcer, mais en vain.
Regarde, Eco, les éraflures et ces entailles. Il nous faudrait une longue barre
de métal, bien résistante, pour l’ouvrir.
— Pourquoi
ne pas utiliser la clé ? suggéra Meto.
— Parce
que nous ne l’avons pas, répondis-je.
L’enfant
sourit malicieusement et s’allongea sur le sol.
Il
se glissa sous le lit et ressortit en serrant une simple clé de bronze dans son
petit poing.
Je
levai les bras au ciel.
— Meto,
tu es inestimable !
Il
sourit et tourna autour de moi alors que je me baissais pour introduire la clé
dans la serrure.
— Oui,
Meto, je crois qu’en grandissant tu vas ressembler à l’un de ces esclaves des
pièces de Plaute ; ceux qui savent toujours ce qu’il se passe quand leur
maître est trop stupide ou trop amoureux pour voir la vérité.
Je
soulevai le couvercle. Eco retint son souffle. Meto recula.
— Du
sang ! murmura-t-il.
— Oui,
acquiesçai-je, très vraisemblablement du sang.
Au-dessus
d’autres manuscrits déroulés et posés à plat au fond du coffre, une bande de
parchemin était couverte de minuscules caractères… et d’une grande tache de
sang.
— Ce
sont les documents qui manquent ? demandai-je.
De
retour dans la bibliothèque, Crassus se penchait sur les parchemins et les
étudiait un par un. Finalement, il hocha la tête.
— Oui.
Ce sont les documents que je cherchais. Et il y en a aussi dont j’ignorais l’existence.
Et dans ceux-là je vois toutes sortes d’irrégularités et de références cryptées…
Je comprends qu’il s’agit de dépenses et de recettes, mais un code empêche de
savoir à quoi elles correspondent. Je vais devoir les rapporter à Rome. Il
faudra sans doute du temps pour les étudier et les comprendre. Mon chef
comptable parviendra peut-être à les décoder.
— Je
vois que la mention « Un ami » revient plusieurs fois. Et elle est
toujours associée à une somme d’argent, généralement assez importante. Tu ne
penses pas que « l’ami » en question pourrait être le mystérieux
partenaire de Lucius Licinius ? Il s’agirait là d’investissements et de
débours qui concernent cet associé.
Crassus
paraissait de méchante humeur.
— La
seule chose que je veux savoir, c’est ce que faisaient ces documents dans la
chambre de Dionysius.
— J’ai
une idée, avançai-je.
— J’en
suis certain.
— Nous
savons que Dionysius voulait résoudre l’énigme du meurtre de Lucius, ne
serait-ce que pour te prouver son intelligence. Supposons qu’il ait, bien avant
nous, repéré le sang sur la statue. Avant même mon arrivée, il devait avoir
deviné que le meurtre s’était déroulé dans cette pièce. Supposons maintenant qu’il
ait soupçonné les obscurs trafics de Lucius. Après tout, Dionysius vivait ici,
et même si ton cousin prenait ses précautions, le philosophe peut très bien
avoir remarqué
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