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L'Étreinte de Némésis

L'Étreinte de Némésis

Titel: L'Étreinte de Némésis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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peut-être pas empêché d’investir
une partie de sa fortune dans les projets du cousin de Crassus. Il avait même
pu prévoir, songeai-je, la décision de Crassus de faire exécuter tous les
esclaves, y compris Apollonius, pour venger le meurtre. Ainsi, en tuant Lucius
et en laissant les événements suivre leur cours, il pouvait assouvir une
terrible vengeance contre Mummius. Mais aussi subtil que fut son esprit,
était-il capable d’élaborer un projet aussi pervers et aussi complexe ?
    Bien
sûr, malgré toutes mes découvertes près de la jetée, malgré toutes les preuves
du contraire, il était toujours possible que…
    — Ce
sont les esclaves qui ont fait le coup ! Ils ont fracassé le crâne de
Lucius avant de se précipiter chez Spartacus !
    Pendant
un instant, j’eus l’impression qu’un dieu venait de parler ; un dieu qui
aurait voulu me réprimander pour mes spéculations absurdes et me rappeler l’unique
hypothèse que je refusais de considérer. Mais c’était l’homme que j’avais vu
discuter avec sa femme aux funérailles. Ils poursuivaient leur bavardage.
    — Rappelle-toi
le discours de Crassus : les esclaves finiront par être punis. Voilà une
bonne chose ! dit la femme, en humectant ses lèvres. Il faut fixer des
limites. On ne peut plus compter sur ces esclaves : une fois qu’ils ont
été témoins d’une telle atrocité dans la maison de leur maître, ils sont perdus
à tout jamais. Ce Marcus Crassus sait s’y prendre !
    — Oui,
il doit certainement savoir s’y prendre pour mener ses propres affaires, admit
l’homme. Sa fortune parle d’elle-même. On dit qu’il veut obtenir le
commandement pour marcher contre Spartacus. J’espère que ces imbéciles du Sénat
auront pour une fois la sagesse de confier la mission idoine à l’homme idoine.
Crassus est un dur ; cela ne fait aucun doute. Il faut avoir une sacrée
force de caractère pour mettre à mort tous les esclaves d’une de ses maisons.
Et c’est bien le type d’homme qu’il nous faut aujourd’hui : une main ferme
pour affronter le monstre thrace !
    — Tu
as raison. Mais il faut être aussi inflexible que Caton pour mettre à mort un
cuisinier capable de créer des plats aussi exquis.
    L’homme
se lécha les lèvres.
    — Chut !
Ne prononce pas ce mot.
    — Quel
mot ?
    — « Mort ».
Tu ne vois pas que la jeune esclave qui nous sert est là ?
    — Et
alors ?
    — Prononcer
ce mot à haute voix lorsqu’un esclave condamné peut l’entendre porte malheur.
    Ils
restèrent silencieux un moment, puis la femme reprit la parole.
    — Quand
même, cet ordonnateur hautain aurait pu nous placer dans une meilleure salle,
si tu avais eu le courage de le lui demander… comme je te l’avais dit.
    — Ma
chérie, ne recommence pas sur ce sujet. La nourriture est la même partout, j’en
suis certain. Ne te plains pas.
    — La
nourriture peut-être. Mais pas le voisinage. Tu es deux fois plus riche que n’importe
qui dans cette pièce. Nous aurions dû nous trouver plus près de Crassus, ou au
moins dans la salle centrale avec Gelina.
    — Il
fallait bien trouver de la place pour tous ces lits et il n’y a pas cinquante
salles, soupira l’homme. Je n’ai jamais vu autant de monde à un banquet funèbre
depuis bien des années. Tu te plains des convives de cette pièce. D’accord, ce
n’est pas la crème. Mais regarde là : c’est le philosophe de la maison. Il
s’appelle Dionysius, je crois.
    — Oui,
comme la moitié des philosophes grecs en Italie, grommela la femme. Celui-là n’est
pas particulièrement brillant, d’après ce que j’ai entendu.
    — Totalement
sans intérêt, dit-on. Je me demande pourquoi Licinius le gardait. Je suppose
que c’est Gelina qui l’a déniché. Elle n’est pas spécialement réputée pour ses
choix, sauf en matière de cuisiniers. Maintenant que Lucius n’est plus là, il
aura du mal à trouver une situation aussi confortable. Qui a besoin d’un
philosophe sans intérêt dans une maison, surtout un stoïcien, quand il y a tant
de bons épicuriens sur le marché ? Quel personnage déplaisant… et vulgaire
aussi. Regarde-le ! Regarde ces grimaces, et cette langue qu’il n’arrête
pas de sortir. Vraiment, on dirait qu’il n’est qu’à moitié civilisé !
    — Oui,
je vois ce que tu veux dire. Il se donne en spectacle. Ce Dionysius tient plus
du bouffon que du sage.
    Pourtant
Dionysius n’était pas homme à mal se tenir à table,

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