L'Étreinte de Némésis
à des moments précis. Il y a bien un assassin en liberté, ici,
dans cette maison, tu dois en convenir. Et il est assez probable que le même
individu a tué Lucius, puisque, la nuit dernière, Dionysius avait publiquement
promis de livrer son nom. Honnêtement, tu sais que cela ne peut être l’œuvre de
Zénon et d’Alexandros.
— Et
pourquoi pas ? D’accord, Zénon est mort… peut-être. Mais nous ne savons
toujours pas ce qu’il est advenu de l’autre, cet Alexandros. Nous ne savons pas
davantage avec qui il pourrait être en contact. Il a sans aucun doute des
complices ici parmi les esclaves des cuisines.
— Oui,
il a peut-être des amis dans cette maison, répondis-je… mais je ne pensais pas
à des esclaves.
— Manifestement,
j’ai commis une erreur en laissant un seul de ces esclaves continuer de servir
Gelina. Dès que le dîner sera terminé et que tous les invités seront dans leurs
quartiers, je les ferai tous enfermer dans l’annexe. De toute manière, il
aurait fallu le faire demain matin. Fabius !
Il
appela le patricien, qui attendait dans le couloir, et lui donna des
instructions. Fabius acquiesça froidement et quitta la pièce sans un regard
vers moi.
Je
secouai la tête d’un air las.
— Pourquoi
penses-tu que l’un des esclaves a empoisonné Dionysius ? demandai-je.
— Qui
d’autre a accès aux cuisines sans qu’on le remarque ? Je pense que c’est
là que Dionysius conservait ses plantes.
— Toutes
sortes de gens sont entrés et sortis des cuisines aujourd’hui. Beaucoup n’en
pouvaient plus d’attendre le dîner. Des invités s’y sont rendus pour trouver
des choses à grignoter ; ou alors ils ont envoyé des esclaves à leur place
bien avant le début du dîner. Les cuisiniers avaient fort à faire. Ils allaient
et venaient en tous sens. Je peux te dire qu’ils n’avaient pas le temps de
prêter attention aux personnes qui se trouvaient là. Par ailleurs, tu te
trompes, Crassus : Dionysius cueillait lui-même ses plantes. Généralement,
la première chose qu’il faisait le matin, c’était de les préparer et de les
faire porter par un esclave. Mais aujourd’hui il ne les a remises qu’après les
funéraires. Donc les plantes ont pu être trafiquées dans sa chambre ce matin.
— Comment
sais-tu tout cela ?
— Parce
que, pendant que tu faisais transporter le cadavre ici, j’ai posé quelques
questions à la jeune esclave qui lui a donné sa coupe ce soir. Elle m’a dit qu’il
avait apporté ses plantes à la cuisine à son retour de la cérémonie. Comme à l’ordinaire,
elles étaient déjà mélangées, écrasées et enfermées dans un petit linge. Il s’agissait
d’une sorte de rituel. Mais l’esclave a dû ajouter elle-même le cresson et les
feuilles de vigne, avant de faire bouillir le tout et de filtrer le mélange
juste avant le repas.
— Alors
elle pourrait très bien avoir ajouté le poison, insista Crassus. Tu dois t’y
connaître en poison, Gordien. De quoi s’agissait-il selon toi ?
— D’aconit.
— Le
tue-panthères ?
— Oui,
certains l’appellent ainsi. On le dit agréable au goût, alors il ne l’a
peut-être pas remarqué dans son breuvage. C’est aussi le plus rapide des
poisons. Les symptômes correspondent : brûlures de la langue, étouffements,
convulsions, vomissements, les intestins qui se relâchent, et enfin la mort.
Mais qui, me demandai-je à voix haute, qui s’y connaît assez pour s’être
procuré le poison et avoir administré la bonne dose ?
Je
regardai Eco. Il dormait lorsque j’avais découvert les plantes et les autres
extraits végétaux chez Iaia à Cumes, mais je lui en avais parlé depuis.
Crassus
s’étira et grimaça.
— Je
hais les funérailles. Et plus encore les jeux funéraires. Enfin, au moins tout
sera fini demain.
— Si
seulement Dionysius avait pu nous dire ce qu’il savait du meurtre de Lucius…
dis-je. S’il savait vraiment quelque chose ! J’aimerais jeter un œil à ses
appartements.
— Certainement.
Crassus
haussa les épaules. Il pensait déjà à autre chose.
Je
retrouvai Meto dans l’atrium et lui demandai de me conduire chez le philosophe.
Nous traversâmes les salles du banquet. La mort de Dionysius, immédiatement
suivie du départ de l’hôte et de l’hôtesse, avait mis un terme au dîner. Mais
de nombreux invités s’attardaient.
— Qui
cherches-tu ? demanda Meto.
— Iaia
et son assistante,
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