L'Étreinte de Némésis
pour Eunus le sorcier… Et elle viendra
pour Metrobius et pour Marcus Crassus, pour Mummius et même pour le hautain
Faustus Fabius. Elle viendra pour le magnifique Apollonius de la même manière
qu’elle est venue pour le vieux Zénon, qui a fini le corps à demi consumé sur
les rives du lac Averne. La mort viendra pour le petit Meto, qui aura à peine
vécu, si ce n’est demain, un autre jour. Ces pensées me réconfortèrent
curieusement. La mort finit toujours par arriver…
Puis
je me souvins d’Eco.
Je
ne pouvais ni le voir ni l’entendre : j’étais aveugle et sourd. Mais je n’étais
pas muet. Je hurlai son nom :
— Eco !
Eco !
S’il
répondit, je ne l’entendis pas. Mais comment pouvait-il répondre, puisque lui
était muet ? Des larmes glissèrent le long de mes joues.
Je
plongeai en avant et agrippai mon cheval. Il s’immobilisa. Le hurlement du vent
s’apaisa. Le monde n’était encore qu’obscurité, car j’avais les yeux fermés. A
un moment, tout sembla vaciller. Je me retrouvai allongé sur le sol au milieu
des feuilles et des branchages.
Quelque
dieu avait peut-être entendu ma prière, après tout. Cette nuit n’aurait pas de
fin. Et l’aube ne se lèverait jamais…
3
J’ouvris
les yeux sur un monde qui n’était ni ténèbres ni lumière. Au-dessus de moi,
dans la douce brise précédant l’aube, des branches craquaient et gémissaient.
Ou était-ce ma tête qui éclatait ?
Je
me redressai lentement et m’assis contre le tronc d’un arbre. Mon cheval
cherchait dans les buissons quelque chose à manger. Les élancements dans ma
tête me firent gémir. Je touchai le sang coagulé sur mon crâne.
Je
frissonnai et inspirai profondément. J’étais reconnaissant – et pas
seulement surpris – d’être en vie. Je hurlai le nom d’Eco,
suffisamment fort pour que les collines m’en renvoient l’écho. Il commençait à
faire jour. Eco ne donnait aucun signe de vie.
J’aurais
pu fouiller le bois pour le rechercher, ou retourner à la villa. Mais je
décidai de poursuivre vers Cumes, sans Eco et sans le manteau taché de sang.
Les jeux funéraires commenceraient dans quelques heures. Il restait un mince
espoir d’obtenir la vérité de la bouche de ceux qui la connaissaient.
A
mesure que montait la lumière, la forêt semblait rétrécir, se contracter. Je
pouvais voir l’endroit où l’assassin m’avait attaqué. Dans la direction
opposée, j’apercevais au-delà des arbres les rochers qui entouraient la grotte
de la sibylle. J’entrevoyais même la mer. Et pourtant il avait été si facile de
se perdre la nuit précédente !
Cette
fois, je retrouvai le chemin assez facilement. Au bout de quelques minutes, je
quittai le bois et m’engageai dans le labyrinthe rocheux. Je jetai des coups d’œil
inquiets à droite et à gauche. J’avais encore plus peur maintenant d’apercevoir
Eco que de ne pas le voir. Souvent en voyant une souche d’arbre ou un rocher je
croyais que c’était mon fils.
Ce
matin, personne n’avait encore emprunté la petite route qui traversait Cumes.
Mais des panaches de fumée s’élevaient déjà des maisons. Enfin, au bout du
village, j’atteignis la villa de Iaia. Aucun son, aucune lumière ne filtraient
de la maison. J’attachai mon cheval et m’avançai.
Je
me dirigeai vers l’étroit sentier qui descendait vers la mer, et qu’avait pris
Olympias, l’après-midi de notre visite à la sibylle. Il serpentait à travers
des buissons, le long d’une pente escarpée, entre de grands rochers. Par
endroits, le sentier était à peine visible. Il disparaissait même lorsqu’il
était barré par un affleurement rocheux. Je glissai plusieurs fois sur les
pierres instables. Ce n’était pas un sentier que l’on aurait emprunté par
plaisir. Il convenait mieux à une chèvre aventureuse qu’à un humain… sauf
peut-être si on était agile et si on avait une bonne raison de le suivre.
Il
s’achevait dans un amas de rochers au bord de l’eau. La falaise longeait le
rivage. Les vagues venaient battre la côte et se retiraient en laissant
apparaître momentanément une étroite bande de sable noir. Je regardai de tous
côtés. Il n’y avait pas trace de fissure ou de grotte. La marque de l’eau sur
les roches indiquait que la marée pouvait monter beaucoup plus haut, jusqu’à
recouvrir la plage et les rochers.
Si
la marée était à ce moment à la moitié de son amplitude, à marée basse le
reflux devait
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