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L'Étreinte de Némésis

L'Étreinte de Némésis

Titel: L'Étreinte de Némésis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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j’oubliais, ta tête est comme un tonneau dans lequel la
vérité fermente.
    Il
sourit amèrement.
    — Metrobius
trouverait sans aucun doute quantité de calembours à faire sur ce thème, mais
moi, je suis trop fatigué. Ces livres de comptes sont un autre scandale.
    Il
se retourna vers la table pour étudier les parchemins étalés. Apparemment je ne
l’intéressais plus.
    — J’ignore
pourquoi Lucius est devenu si désordonné, si négligent. Et maintenant que Zénon
a disparu, je suis incapable de comprendre ces documents…
    — En
as-tu fini avec moi, Marcus Crassus ?
    Il
était absorbé dans les bordereaux. Apparemment, il ne m’avait même pas entendu.
Je jetai un coup d’œil sur la pièce. Un épais tapis à motifs géométriques noirs
et rouges recouvrait le sol. A droite et à gauche, des étagères chargées de
rouleaux occupaient les murs. Certains parchemins étaient simplement empilés en
vrac, d’autres soigneusement rangés dans des casiers. Sur le mur opposé à la
porte, deux fenêtres étroites donnaient sur la cour devant la maison.
    Comme
il faisait froid, de lourdes draperies rouges avaient été tirées.
    Entre
les fenêtres, au-dessus de la table sur laquelle travaillait Crassus, le mur
était orné d’une grande peinture représentant Gelina. C’était un portrait d’une
haute distinction, « animé par la vie », disent les Grecs. À l’arrière-plan
se dressait le Vésuve avec un ciel bleu au-dessus et une mer verte en dessous.
Au premier plan, Gelina rayonnait. Une profonde sérénité émanait d’elle. La
portraitiste était naturellement fière de son œuvre, car dans l’angle droit
elle avait signé Iaia Cyzicena .
Sa lettre A avait une forme excentrique, la barre transversale s’inclinait
nettement vers la droite.
    De
chaque côté de la table, de lourds piédestaux soutenaient de petites statues de
bronze. Je ne pouvais voir celle de gauche, parce que Crassus avait négligemment
posé sa chlamyde dessus. Celle de droite était un Hercule. Le demi-dieu
était nu à l’exception d’une peau de lion dont la tête lui servait de capuche.
Les pattes de la bête étaient nouées sous sa gorge. Le héros tenait une massue
sur ses épaules. C’était un choix étrange pour une bibliothèque, mais le
travail de l’artisan ne pouvait être critiqué. La fourrure du lion était
finement ciselée. Sa texture contrastait avec la chair lisse et musclée du
personnage. Lucius était aussi négligent avec ses œuvres d’art qu’avec ses
livres de comptes, pensai-je, car on pouvait voir des traces de rouille sur la
tête du lion.
    — Marcus
Crassus… insistai-je.
    Il
soupira sans lever la tête de ses documents.
    — Oui,
oui. Vas-y. Tu as compris, je pense, que je n’ai pas d’enthousiasme pour ton
entreprise. Mais je t’aiderai quels que soient tes besoins. Va voir d’abord
Fabius ou Mummius. Et si tu n’obtiens pas d’eux une réponse satisfaisante,
viens me voir. Je ne te garantis pas que tu me trouveras à chaque fois. J’ai
beaucoup de choses à faire avant de rentrer à Rome, et peu de temps. Tout ce
qui m’intéresse c’est qu’à la fin de cette affaire on ne puisse pas dire que
tout n’a pas été mis en œuvre pour trouver la vérité et que justice n’a pas été
faite.
    Je
sortis et refermai la porte derrière moi. Le garde proposa de me guider vers ma
chambre. Je déclinai son offre en répondant que j’étais parfaitement réveillé.
Je m’arrêtai un instant dans l’atrium pour regarder le corps de Lucius
Licinius. On avait ajouté de l’encens, mais l’odeur de décomposition, comme
celle des roses, semblait plus forte la nuit. J’étais à mi-chemin de ma
chambre, quand soudain je fis volte-face et retournai vers la bibliothèque.
    Le
garde fut surpris et légèrement soupçonneux. Il insista pour pénétrer le
premier dans la pièce et consulta Crassus avant de m’autoriser à rentrer. Il
ressortit dans le corridor et referma la porte, nous laissant de nouveau seuls.
    Crassus
était toujours plongé dans ses parchemins. Mais il s’était assis et ne portait
plus que son gilet. Il avait jeté sa tunique de cheval sur l’Hercule. Dans l’intervalle de mon absence, un esclave avait déposé un plateau garni d’une
coupe fumante. L’odeur de l’infusion de menthe envahissait la pièce.
    — Oui ?
fit-il impatiemment en levant un sourcil. As-tu oublié quelque chose ?
    — Une
petite chose, Marcus Crassus. Je suis peut-être

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