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L'Étreinte de Némésis

L'Étreinte de Némésis

Titel: L'Étreinte de Némésis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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légèrement sur son
fauteuil sans dossier. Suffisamment en tous les cas pour me voir du coin de l’œil.
Puis il retourna à ses occupations et, d’un geste, congédia ses deux gardes.
    Au bout d’un long
moment, il se leva et retira son manteau. Une chlamyde [33] grecque, comme en portent souvent les Romains. Il se
tourna enfin pour me saluer. Il portait une tunique unie à la coupe simple mais
à la texture résistante. Il était légèrement échevelé, comme après une longue
chevauchée. Son sourire était las, mais pas hypocrite.
    — Ainsi
c’est toi Gordien, dit-il en s’appuyant sur la table recouverte de documents. J’imagine
que tu sais qui je suis.
    — Oui,
Marcus Crassus.
    Il
était à peine plus vieux que moi, mais beaucoup plus grisonnant. Cela n’avait
rien d’étonnant, étant donné les difficultés et les tragédies de sa jeunesse.
Il avait même dû s’enfuir en Espagne après le suicide de son père et l’assassinat
de son frère par les troupes hostiles à Sylla. Je l’avais souvent vu discourir
au Forum ou s’occuper de ses affaires sur les marchés. Malgré sa grande
richesse, il restait un homme ordinaire, après tout. « Crassus, Crassus,
riche comme Crésus », disait la ritournelle, et l’imagination populaire, à
Rome, le dépeignait comme un excentrique. Mais ceux qui étaient assez puissants
pour évoluer dans son cercle d’intimes livraient une autre image, attestée par
son apparente simplicité présente. C’était l’image d’un homme avide de richesse
non par goût du luxe, mais par appétit de pouvoir ; un pouvoir qu’il
pouvait conquérir grâce à son or.
    — C’est
incroyable que nous ne nous soyons jamais rencontrés, dit-il de sa voix limpide
d’orateur. Je te connais. Je me souviens de cette affaire des vestales, l’année
dernière. À mon sens, tu as contribué à sauver la peau de Catilina. Je sais
aussi que Cicéron loue ton travail, même s’il le fait de manière détournée. Je
l’ai entendu de mes propres oreilles. Je suis sûr de t’avoir vu sur le Forum.
Je reconnais ton visage. Généralement je ne fais pas appel aux gens de l’extérieur.
Je préfère utiliser les hommes que je possède.
    — Ou
posséder les hommes que tu utilises ?
    — Ah !
Ah ! Tu m’as exactement compris. Si je veux, disons, construire une
nouvelle villa, il est plus efficace pour moi de chercher un esclave instruit
ou de former un esclave brillant qui m’appartient déjà, plutôt que d’aller
embaucher un architecte à la mode qui me demandera un prix exorbitant. Je
préfère acheter un architecte, plutôt que les services d’un architecte. De
cette manière, je peux réutiliser sans fin mon employé sans que cela me coûte
un sesterce de plus.
    — J’ai
certaines aptitudes qu’un esclave ne pourrait avoir, dis-je.
    — Oui.
Je pense que c’est le cas. Par exemple, jamais un esclave ne pourrait dîner
avec les invités de Gelina et les questionner à loisir. As-tu appris quelque
chose d’intéressant depuis ton arrivée ?
    — A
dire vrai, oui.
    — Oui ?
Alors parle. Après tout, je suis ton employeur.
    — Je
pensais que c’était Gelina qui avait fait appel à moi.
    — Mais
c’est mon navire qui t’a amené et c’est ma bourse qui va te payer. Je suis donc
bien ton employeur.
    — D’accord,
mais, si tu permets, je préfère conserver mes découvertes par-devers moi encore
quelque temps. Parfois, les informations sont comme le jus d’une grappe que l’on
a pressée. Elles ont besoin de fermenter dans l’obscurité et le calme.
    — Je
vois. Eh bien, je ne veux sûrement pas te presser. Et si tu me permets à moi
aussi de parler franchement, je pense que je gaspille mon argent et que tu
gaspilles ton temps. Mais Gelina a insisté, et comme c’est son mari qui a été
assassiné, j’ai accepté de céder à son caprice.
    — Tu
ne veux pas savoir qui a tué Lucius Licinius ? Il était quand même ton
cousin et le régisseur de ta propriété depuis plusieurs années.
    Crassus
haussa les épaules.
    — Crois-tu
réellement que la question de l’identité des meurtriers se pose ? Gelina t’a
sans doute parlé des deux esclaves manquants et des lettres gravées aux pieds
de Lucius ? Que cela arrive à l’un de mes proches dans une de mes villas
est scandaleux. On ne peut laisser passer cela.
    — Mais
il y a peut-être des raisons de penser que les esclaves sont innocents du
crime.
    — Quelles
raisons ? Ah oui,

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