Lettres - Tome I
ce qu’un honnête homme comme vous désire aujourd’hui, que ce qu’il approuvera toujours. J’espère être à Rome vers les ides d’octobre, et confirmer cette promesse de vive voix à Gallus en mon nom et au vôtre. Vous pouvez toutefois dès maintenant lui répondre de mes intentions :
Il dit et abaissant ses noirs sourcils, il fit un signe d’assentiment.
Pourquoi n’userais-je pas jusqu’au bout avec vous des vers d’Homère, puisque vous ne me permettez pas d’user des vôtres ? Pourtant je les attends avec une si vive impatience, qu’un tel salaire serait, je crois, seul capable de me corrompre et de me décider à plaider même contre les habitants de la Bétique. J’allais oublier ce que je devrais le moins oublier : j’ai reçu vos dattes ; elles sont excellentes et vont disputer le prix à vos figues et à vos cèpes. Adieu.
VIII. – C. PLINE SALUE SON CHER POMPÉIUS SATURNINUS.
Révision d’un discours de Pline.
On m’a remis fort à propos votre lettre, où vous me priez instamment de vous envoyer quelque ouvrage de moi, alors que justement j’en avais l’intention. Vous avez donc éperonné un coursier déjà lancé et du même coup vous avez ôté toute excuse à votre paresse et tout scrupule à ma discrétion. Car j’aurais aussi mauvaise grâce à craindre d’être importun en usant de votre offre {15} , que vous à me traiter de fâcheux, quand je réponds à votre impatience. N’attendez cependant aucune œuvre nouvelle d’un indolent. Je vais vous demander de reviser le discours, que j’ai adressé à mes compatriotes, le jour de l’inauguration de la bibliothèque que j’ai fondée. Je me souviens que vous y avez fait déjà quelques remarques, mais générales. Je voudrais donc aujourd’hui que votre critique ne s’attachât plus seulement à l’ensemble, mais qu’elle relevât les moindres détails avec ce goût sévère que nous vous connaissons. Nous resterons libres, même après cette correction, de le publier ou de le garder. Peut-être même cet examen attentif fera-t-il pencher notre hésitation pour l’un ou l’autre parti, soit que, à force de revoir l’ouvrage, nous le trouvions indigne de publication, soit que nous l’en rendions digne, à force de le tenter.
D’ailleurs mon incertitude actuelle vient moins du style, que de la nature du sujet. Il pèche, semble-t-il, par un peu de gloriole et de vanité ; ma modestie en souffrira, quelque réservé et humble qu’en soit le style, parce que je serai contraint de parler et de la libéralité de mes parents et de la mienne. Le pas est dangereux et glissant, lors même que la nécessité nous y engage. Si l’éloge même donné à autrui ne trouve d’ordinaire que des oreilles peu favorables, quelle n’est pas la difficulté d’obtenir qu’un discours où l’on parle de soi ou des siens, ne paraisse pas importun ? La vertu toute seule est sujette à l’envie, mais parfois plus encore quand on la glorifie et la vante en public, et les bonnes actions n’échappent au dénigrement et à la malveillance que si elles sont ensevelies dans l’obscurité et le silence. Voilà pourquoi je me demande souvent si c’est pour moi seul que je dois avoir composé cet ouvrage, quel qu’il soit, ou pour d’autres aussi. Ce n’est que pour moi, et la preuve en est que tous les efforts nécessaires à l’exécution d’un tel travail, une fois accomplis, ne gardent plus ni la même utilité ni le même mérite.
Et sans aller chercher bien loin des exemples, n’était-il pas très utile pour moi d’expliquer même par écrit les motifs de ma générosité {16} . J’y gagnais d’abord d’arrêter mon esprit sur de nobles pensées ; ensuite de me pénétrer de leur beauté par une longue méditation ; enfin je me précautionnais contre le repentir, qui accompagne les largesses précipitées ; c’était comme une occasion de m’exercer au mépris de la richesse. Car tandis que la nature enchaîne tous les hommes à sa conservation, moi au contraire je me sentais affranchi par cet amour de la libéralité longuement raisonné des entraves ordinaires de l’avarice, et il me semblait que ma munificence serait d’autant plus méritoire que j’y étais entraîné non par le caprice, mais par la réflexion.
À ces raisons s’ajoutait celle-ci : j’offrais non des spectacles ou des jeux du cirque, mais des pensions annuelles pour l’entretien d’enfants de naissance
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