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Lettres - Tome I

Lettres - Tome I

Titel: Lettres - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pline le Jeune
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cœur une parole que, au tribunal des centumvirs, j’ai prononcée un jour, quand je plaidais contre vous et contre Satrius Rufus : « Satrius Rufus, qui ne se pique pas de rivaliser avec Cicéron et qui se contente de l’éloquence de notre siècle {12} … » – « Je comprends, maintenant, répondis-je, qu’il y avait une intention blessante dans ces paroles, puisque vous l’avouez vous-même ; sinon on pouvait les prendre pour un compliment. Je me pique, en effet, ajoutai-je, d’imiter Cicéron, et je ne me contente pas de l’éloquence de notre siècle ; car je crois stupide, quand on prend des modèles, de ne pas se proposer les meilleurs ; mais, puisque vous vous souvenez de ce procès, comment en avez-vous oublié un autre, dans lequel vous m’avez demandé ce que je pensais de l’attachement de Mettius Modestus pour le prince ? » Il pâlit visiblement, malgré sa pâleur ordinaire, et d’une voix hésitante, il dit : « Ce n’est pas à vous que je voulais nuire par cette question, mais à Modestus. » Voyez la cruauté d’un homme qui ne cache pas qu’il a voulu nuire à un exilé. Il ajouta une merveilleuse justification : « Modestus a écrit dans une lettre qui a été lue en présence de Domitien : Regulus, le plus méchant des bipèdes. » Et il est très vrai que Modestus avait écrit la lettre.
    Là se borna à peu près notre entretien. Je ne voulus pas aller plus loin pour conserver une entière liberté d’action, jusqu’au retour de Mauricus. Il ne m’échappe pas qu’il est difficile de perdre Regulus. Il a de la fortune, du crédit ; bien des gens le courtisent, beaucoup plus encore le craignent, sentiment plus fort généralement que l’amour. Mais il n’est pas impossible que quelques secousses violentes ne ruinent cet édifice. Car la faveur dont jouissent les méchants est aussi peu sûre qu’eux-mêmes. Du reste, je le répète, j’attends Mauricus. C’est un homme pondéré, avisé, instruit par une longue expérience qui lui permet de prévoir l’avenir d’après le passé. Pour moi toute décision d’agir ou de rester tranquille sera réglée sur ses instigations. J’ai cru devoir ce récit à notre amitié mutuelle ; elle mérite que vous connaissiez non seulement mes actes et mes paroles, mais même tous mes desseins. Adieu.
     
    VI. – C. PLINE SALUE SON CHER TACITE.
    L’heureux chasseur.
     
    Vous allez rire, et à bon droit. Moi, ce Pline que vous connaissez, j’ai pris trois sangliers ; oui, moi, et des plus beaux. Vous-même ? dites-vous ; moi-même, sans toutefois renoncer entièrement à ma paresse et à mon repos. J’étais assis près des filets : j’avais sous la main, non l’épieu ou le dard, mais un stylet et des tablettes {13} . Je méditais et je prenais des notes, pour rapporter du moins mes tablettes pleines, si je revenais les mains vides. Vous n’avez pas lieu de dédaigner cette façon de travailler. On ne saurait croire combien l’esprit est éveillé par le mouvement et l’exercice physique. Et puis ces forêts et cette solitude qui vous entourent et ce grand silence lui-même qu’exige la chasse sont de puissants stimulants de la pensée. Ainsi, quand vous chasserez, vous pourrez emporter, sur ma garantie, avec la pannetière et la gourde, des tablettes aussi. Vous éprouverez que Minerve n’erre pas moins que Diane sur les montagnes {14} . Adieu.
     
    VII. – C. PLINE SALUE SON CHER OCTAVIUS RUFUS.
    Le procès des habitants de la Bétique.
     
    Voyez à quel comble d’élévation vous me portez, puisque vous m’attribuez la même puissance, le même empire qu’Homère accorde à Jupiter très grand, très bon.
     
    «  Son père exauça l’un de ses vœux, mais dit non à l’autre » .
     
    Car je puis moi aussi répondre à votre désir par le même signe d’acquiescement ou de refus. S’il m’est permis en effet, pour vous complaire, de refuser aux habitants de la Bétique l’assistance de mon ministère contre un seul adversaire, la loyauté et la constance de principes, que vous chérissez en moi, ne m’interdisent pas moins de prendre la défense de cet homme contre toute une province, que je me suis attachée autrefois par tant de services, tant de peines, tant de dangers même. Je prendrai donc un moyen terme et, des deux partis entre lesquels vous me demandez de choisir, j’adopterai celui qui satisfera non seulement votre cœur, mais encore votre raison. Je dois considérer moins

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