Lettres
jeune médecin, le docteur Julio Zimbrón, me propose un traitement bizarre sur lequel je voudrais avoir ton opinion, parce que j’ignore jusqu’à quel point il peut donner des résultats positifs. Il m’assure que ma gangrène disparaîtra . Il s’agit d’injections sous-cutanées de gaz légers : hélium, hydrogène, oxygène… Toi, comme ça, à vue d’œil, qu’est-ce que tu en penses ? Je ne risque pas l’embolie ? Il me fait plutôt peur… Il dit qu’avec son traitement je n’aurais pas besoin d’être amputée. Tu crois que c’est vrai ?
Ils me rendent folle et me sapent le moral. Qu’est-ce que je dois faire ? Je perds la boule et j’en ai marre de cette saloperie de pied, je voudrais me remettre à peindre et oublier tous ces problèmes. Mais c’est peine perdue, je n’ai plus qu’à ronger mon frein en attendant de trouver une solution…
S’il te plaît, mon joli, sois gentil et conseille-moi, dis-moi ce que je dois faire.
Le livre de Stilwell a l’air fantastique. Pourvu que tu puisses m’en trouver d’autres sur le Tao, et aussi les livres d’Agnes Smedley sur la Chine.
Quand te reverrai-je ? Ça me fait tellement de bien de savoir que tu m’aimes vraiment et que, où que tu sois, tu me cièles (comme le ciel). Je regrette de ne t’avoir vu que quelques heures la dernière fois. Si j’allais mieux, j’irais te rejoindre pour t’aider et faire en sorte que les « gens » deviennent des êtres utiles à leur prochain et à eux-mêmes. Mais dans l’état où je suis, je me demande bien à quoi je pourrais servir.
Je t’adore.
Ta Frida
Lettre à Diego Rivera
Pour M. Diego de la part de Frida
Coyoacán, 17 février 1950
Diego, mon enfant, prunelle de mes yeux, voici le reçu envoyé par Coqui (dans l’enveloppe que tu as toi-même envoyée).
Les radios sont bien faites. Tu les verras ce soir.
Je t’ai fait une copie du compte rendu, pour que tu le lises. Ne le perds pas, s’il te plaît.
Mange bien, mon amour, et rentre tôt.
Ton ancienne Magicienne clouée au lit.
Ta
Frida
Lettre au docteur Samuel Fastlicht
Coyoacán, 1 er février 1951
Cher camarade,
Voici les dents. J’ai dessiné en rouge ce qui me fait le plus mal. La gencive est presque ulcérée et vous pouvez imaginer dans quel état est votre amie : elle crache du feu ! Mais je vous suis tellement reconnaissante de votre gentillesse que je n’ai pas les mots pour vous exprimer mes sentiments.
Dites-moi, cher ami, cela vous embêterait-il beaucoup de me prescrire deux ampoules de Demerol, histoire de bien dormir aujourd’hui et demain ? On ne les vend que sur ordonnance de narcotiques.
Vous n’imaginez pas à quel point je vous serais reconnaissante d’avoir la bonté de me les prescrire. J’en ai assez bavé, pas vrai ?
Mille mercis et de tendres salutations accompagnées d’un baiser de
Frida (143)
Portrait de Wilhelm Kahlo
1951 (144)
J’ai peint mon père Wilhelm Kahlo, d’origine germano-hongroise, artiste photographe de son métier, au caractère généreux, intelligent et fin, courageux car il a souffert d’épilepsie durant soixante-dix ans, ce qui ne l’a pas empêché de travailler et de lutter sans relâche contre Hitler.
Avec adoration, sa fille,
Frida Kahlo
Message pour Diego Rivera
Mon enfant,
Merci pour tes fleurs merveilleuses, je veux dire nos fleurs.
Mon amour, si ça me permet de te voir, peu importe que tu me réveilles. Ma seule préoccupation, c’est que toi, tu arrives à bien te reposer.
Dors là où ça t’arrange. J’attendrai que tu puisses venir plus calmement. Ne travaille pas trop, fais bien attention à tes petits yeux.
Je t’envoie, comme toujours, mon cœur tout entier.
Ta petite
ancienne Magicienne
Fisita
Note pour Elena Vázquez Gómez
et Teresa Proenza (146)
Samedi 21 juin 1952
Elenita et Tere, préférées de mon cœur,
Pardonnez-moi d’être partie à toute allure et d’avoir traîtreusement déserté Coyoacán sans même passer vous voir . Mais je vous porte en moi, toujours . C’est juste pour deux jours, n’en déplaise à Clemente Robles, qui préférerait que ce soit huit, mais je vais lui monter un redoutable « stradivarius ». Je serai de retour lundi ou mardi.
En mon absence, Dieguito se mariera peut-être avec une princesse de haut rang ou une proie des bas-fonds. Il est pardonné for ever .
Au nom de ce que vous avez de plus précieux dans le vacarme de
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