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Lettres

Titel: Lettres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frida Kahlo
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vibre à l’intérieur d’une femme ou d’une montagne. Parfaitement équilibré dans toutes ses émotions, ses sensations et ses actes, mus par une dialectique matérialiste, précise et bien réelle, il ne se livre jamais vraiment. Comme les cactus de sa terre, il grandit, fort et prodigieux, dans le sable comme sur la pierre   ; il fleurit d’un rouge vif, d’un blanc transparent et d’un jaune solaire   ; couvert d’épines, il garde au fond de lui sa tendresse   ; il vit avec sa sève puissante dans un milieu féroce   ; il illumine, solitaire, tel un soleil vengeur sur le gris de la pierre   ; ses racines vivent même quand on l’arrache à la terre, dépassant l’angoisse de la solitude et de la tristesse et de toutes les faiblesses qui en font ployer d’autres. Il se soulève avec une force surprenante, et comme nulle autre plante il fleurit et donne des fruits.

Lettre au docteur Samuel Fastlicht
    Hôpital anglais, 12 janvier 1950
     
    Cher docteur Fastlicht,
    Excusez-moi de vous importuner. Je suis encore à l’hôpital vu que « pour changer » on m’a une nouvelle fois opérée de la colonne. Je ne rentrerai que demain samedi chez moi, à Coyoacán. Et, toujours corsetée et dans la m… hélas   ! Mais je garde espoir, je vais essayer de me remettre à peindre le plus vite possible.
    Bon, cher docteur, voilà pourquoi je viens vous enquiquiner   : le bridge d’en haut s’est cassé. Je ne peux pas vous l’envoyer ou bien je vais avoir l’air d’une tête de mort   ! Qu’est-ce que je fais   ? En revanche, je vous envoie celui d’en bas   : ça fait un bail que je ne peux pas le porter, il me fait mal là où les crochets se coincent dans les dents. Là aussi, je vous le demande   : qu’est-ce que je fais   ? Je ne peux pas manger correctement, c’est la poisse.
    Je ne peux pas aller vous voir et je ne vais quand même pas vous demander de vous déplacer, avec tout ce que vous avez à faire.
    Bref, je m’en remets à votre bonne volonté et à votre gentillesse.
    À partir de dimanche, je serai à Coyoacán, 59, rue Allende (vous êtes le bienvenu). Pouvez-vous me faire porter un message ou m’appeler au 10-52-21   ?
    Recevez mille remerciements et les salutations chaleureuses de votre amie,
    Frida

Lettre au docteur Leo Eloesser
    Coyoacán, 11 février 1950
     
    Mon très cher petit docteur,
    J’ai reçu ta lettre et le livre   ; mille mercis pour ta merveilleuse tendresse et ton immense générosité.
    Comment vas-tu   ? Quels sont tes projets   ? Moi, je suis comme tu m’as laissée le dernier soir où je t’ai vu, toujours dans les mêmes affres.
    Le docteur Glusker m’a ramené un certain docteur Puig, chirurgien ostéologue catalan élevé aux États-Unis. Il est du même avis que le tien, il pense qu’il faut amputer les orteils, mais d’après lui il vaut mieux amputer jusqu’aux métatarses, pour que la cicatrisation soit moins lente et moins dangereuse.
    Jusqu’à présent, j’ai eu cinq avis convergents   : amputation. La seule chose qui change, c’est l’endroit où amputer. Je ne connais pas bien le docteur Puig et je ne sais pas quoi décider, car cette opération est tellement fondamentale que j’ai peur de faire une connerie. Je te supplie de me donner ton avis et de me dire sincèrement ce que je dois faire. Je ne peux pas me rendre aux États-Unis pour les raisons que tu connais, et puis parce que c’est une grosse somme d’argent, que je n’ai pas, et je déteste demander à Diego, surtout en ce moment où ça représente un effort encore plus lourd pour lui, vu que le peso vaut de la merde. Si en soi l’opération n’est pas la mer à boire, penses-tu que ces gens pourront la pratiquer   ? Est-ce qu’il ne vaudrait pas mieux attendre que tu puisses venir, ou bien trouver le fric pour aller là-bas me faire opérer par toi   ? Je suis désespérée, parce que s’il faut vraiment en passer par là, alors autant se débarrasser du problème le plus vite possible, tu ne crois pas   ?
    Du haut de mon lit, j’ai l’impression d’être un chou en train de végéter et, en même temps, je pense qu’il faut bien réfléchir pour obtenir un résultat positif d’un point de vue strictement mécanique. C’est-à-dire pouvoir marcher, pour pouvoir travailler. Mais on me dit que, vu l’état lamentable dans lequel est ma jambe, la cicatrisation sera lente et que je serai incapable de faire le moindre pas durant des mois.
    Un

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