Lettres
contrainte à des dépenses supplémentaires. Veuillez donc m’excuser pour le dérangement, mais Diego vous donnera le fric aujourd’hui ou demain.
Merci beaucoup.
12 juin 1937
J’ai reçu de la part d’Alberto Misrachi la somme de 200 (deux cents) pesos, pour la semaine du samedi 12 juin au samedi 19.
Frieda Kahlo de Rivera
Dédicace à Léon Trotski
sur un autoportrait
À Léon Trotski, avec toute ma tendresse, je dédie ce tableau, le 7 novembre 1937 (67) .
Frida Kahlo
À San Àngel.
Mexico.
Lettre à Lucienne Bloch (68)
14 février 1938
Chère Lucy,
Quand ta lettre m’est parvenue, j’étais au trente-sixième dessous, j’ai eu des douleurs dans mon maudit pied pendant toute une semaine, et j’aurai sûrement besoin d’une nouvelle opération. J’en ai déjà subi une il y a quatre mois, en plus de celle qui a eu lieu quand Boit était ici, tu peux donc imaginer comment je me sens ; mais ta lettre est arrivée et, crois-moi ou non, elle m’a donné du courage. Eh oui, toi, tu n’as pas un pied en bouillie mais tu vas bientôt avoir un bébé et tu es toujours en train de travailler , ce qui est plutôt pas mal pour une gamine de ton âge. Je suis ravie de ces nouvelles. Dis à Dimi que son comportement est OK, et à toi, ma petite, toutes mes félicitations. Mais… n’oublie pas, je t’en prie, que je dois être la marraine de ce bébé, d’abord parce qu’il va naître le mois où je suis moi-même arrivée dans ce foutu monde et, en second lieu, parce que si j’apprenais que quelqu’un passe avant moi pour être ta « commère », j’en ferais tout un plat… Surtout garde bien ça à l’esprit.
S’il te plaît, ma chérie, prends bien soin de toi. Je sais que tu es forte comme un roc et que Dimi a une santé d’éléphant, mais tu devrais quand même faire attention et être bien sage. Évite de jouer les singes en haut des échafaudages et mange bien comme il faut, à heure fixe, car ça ne vaut pas la peine de tout mettre en péril ; voilà que je parle comme une grand-mère, mais… tu vois ce que je veux dire, OK.
Je vais un peu te parler de moi à présent. Je n’ai pas beaucoup changé depuis la dernière fois que tu m’as vue. Sauf que je porte à nouveau mes habits mexicains complètement fous, mes cheveux ont repoussé et je suis toujours aussi maigre. Mon caractère non plus n’a pas changé, je suis toujours aussi flemmarde, sans le moindre enthousiasme, plutôt stupide et fichtrement sentimentale. Parfois je me dis que c’est parce que je suis malade, mais c’est juste un bon prétexte. Je pourrais peindre comme bon me semble, je pourrais lire ou étudier, faire des tas de choses malgré mon pied malade ou tout ce qui cloche chez moi, mais que veux-tu que je te dise, je vis sur un nuage, je prends les choses comme elles viennent, sans faire le moindre effort pour les changer, je somnole à longueur de journée, je suis toujours lasse et désespérée. Qu’est-ce que je peux bien y faire ? Depuis que je suis rentrée de New York, j’ai peint une douzaine de tableaux, petits et sans le moindre intérêt, avec toujours les mêmes sujets personnels qui n’intéressent que moi et personne d’autre. J’en ai envoyé quatre à une galerie de Mexico, la Galerie Universitaire (69) , qui est un endroit petit et moche, mais c’est le seul qui accepte à peu près tout et n’importe quoi ; bref, je les ai envoyés sans grand enthousiasme. Quatre ou cinq personnes m’ont dit que ça leur avait beaucoup plu, les autres trouvent ça trop fou.
À ma grande surprise, j’ai reçu une lettre de Julien Levy dans laquelle il me dit qu’on lui a parlé de mes tableaux et qu’il voudrait organiser une exposition dans sa galerie. Je lui ai envoyé quelques photos des dernières choses que j’ai peintes, il m’a répondu qu’il était emballé et il m’a commandé trente tableaux pour une exposition au mois d’octobre prochain ; il veut exposer Diego par la même occasion et j’ai accepté, donc, s’il ne se passe rien entre-temps, j’irai à New York en septembre. Je ne suis pas sûre que Diego soit prêt pour cette date, mais il arrivera peut-être plus tard ; ensuite, cap sur Londres. Voilà nos projets, mais tu connais Diego aussi bien que moi et… va savoir ce qui arrivera d’ici là (70) . Il faut que je te dise que Diego a peint une série de paysages. Si tu veux bien te fier à mon goût personnel, sache que deux
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