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Lettres

Titel: Lettres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frida Kahlo
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fera le bonheur de la
    Chicua Rivera et son bien-aimé ventripotent
     
    Mille baisers à Ella.
    Le bonjour à tous les potes (tout spécialement à Jay).
    Diego va t’écrire très bientôt.

Lettre à Carlos Chávez
    29 avril 1936
    Mon frère,
    J’ai reçu ton poème   : un vrai bonheur, inutile de le préciser, tu le sais déjà. Je voudrais pouvoir te répondre en vers, mais cette fois je ne suis pas d’humeur. Figure-toi que ça fait deux semaines que Diego et moi sommes à l’Hôpital anglais. Moi, je me suis refait opérer du pied, avec un résultat vaguement douteux vu que cette patte n’en fait qu’à sa tête. Mais c’est encore ce qui m’inquiète le moins . Je suis triste comme tu n’as pas idée à cause de la maladie de Diego   : il a un œil qui va très mal. J’ai vécu l’enfer ces derniers jours. Je te raconte les détails   :
    Diego a commencé à avoir mal à l’œil gauche il y a à peu près un mois. Au début, on ne s’est pas inquiétés, parce qu’il est fragile des yeux, comme tu le sais, et la plupart du temps ce n’était pas si grave. Mais cette fois il s’agit d’une infection sérieuse de la glande lacrymale (on a analysé ses sécrétions), figure-toi qu’il a des streptocoques. Nous sommes allés consulter tous les oculistes de Mexico. Et tous sont du même avis   : c’est dangereux, il risquerait même de perdre son œil si jamais il y avait la moindre lésion de la conjonctive, ce qui pourrait arriver si une particule de poussière ou un agent externe venait blesser son œil déjà fragile. Les microbes se sont infiltrés sous la peau et dans le tissu de la paupière, dans la partie inférieure du visage et au niveau du front, provoquant une inflammation terrible qui lui ferme presque totalement l’œil. On a cru un moment que tout était perdu et tu peux imaginer son état et mon angoisse. (Je ne peux même pas te la décrire avec des mots.) Depuis trois jours, on dirait que l’inflammation cède un peu de terrain et on espère que les conséquences ne seront pas trop graves, mais le docteur Silva dit que tout danger n’est pas encore écarté et que ça prendra du temps. Il est dans une chambre presque totalement plongée dans le noir, le pauvre, il est vraiment désespéré (on le serait à moins). Quant à moi, autant dire que je ne sers à rien   : il m’est presque impossible de le voir puisque je ne peux pas encore marcher et, même si je pouvais, je ne pourrais pas l’aider à grand-chose   ; ça me rend folle d’angoisse. Nous pensions, au cas où il irait mieux cette semaine, aller à New York pour consulter d’autres oculistes, mais j’ai l’impression que son problème n’est pas localisé dans l’œil, qu’il est plus général, que tout est lié à son insuffisance thyroïdienne   ; en plus, je me dis qu’un voyage dans son état risquerait d’avoir des conséquences terribles, c’est une lourde responsabilité. Voilà donc les nouvelles   : je suis désespérée et je me sens comme une idiote incapable de résoudre ce problème. Mais à quoi bon se précipiter   ? Il est plus raisonnable, à mon avis, d’attendre que les piqûres de « pioformina » et le traitement recommandé par le docteur Silva fassent effet. Pas la peine de déconner dans l’espoir d’un miracle alors que les choses doivent suivre leur cours naturel. Mais le plus affligeant, c’est de le voir aussi abattu, sans compter le risque de septicémie ou de généralisation de l’infection, car dans son état il aurait bien du mal à se battre. Je ne veux même pas y penser.
    Dis-moi, s’il te plaît, ce que tu en penses, si d’après toi il serait plus facile de trouver un bon médecin à New York ou si ce sont seulement des préjugés de ma part, parce que là-bas aussi ça doit grouiller d’escrocs et de charlatans qui sont foutus d’aggraver son cas. Cela me consolerait tout de même d’avoir ton avis, car tu n’imagines pas à quel point je suis triste et accablée pour Diego. Il n’est pas nécessaire de t’en dire plus   : tu l’aimes assez pour savoir ce que cela signifie pour lui.
    Excuse-moi de ne t’avoir parlé que de mon chagrin, mais tu le comprendras   ; tu sais parfaitement que je préférerais bavarder de choses et d’autres, te féliciter pour tes succès là-bas. J’en suis ravie, crois-moi.
    S’il te plaît, écris-moi, ça m’aidera à me sentir plus forte en attendant dans le calme qu’il se passe quelque chose.

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