L'hérétique
qu’il tenait à la main,
à laquelle étaient fixés une épée, un couteau et un carquois d’arbalétrier, lui
échappa. La sangle glissa au milieu des feuilles mouillées. Thomas estima que
toute flèche ou carreau récupéré était bon à prendre, aussi courut-il chercher
la ceinture. Le mourant eut la force d’attraper la cheville de son ennemi qui
passait à sa portée.
— Bâtard, lui dit l’homme en français. Bâtard !
Thomas décocha un violent coup de pied au visage de l’homme
à terre, lui fracassant les dents, puis il lui écrasa son talon sur la bouche,
en brisant d’autres. Le mourant relâcha sa prise et son vainqueur lui asséna un
dernier coup de botte pour le réduire à l’immobilité.
— Montez ! cria-t-il.
Il vit que Geneviève avait à son tour traversé saine et
sauve le barrage. Il lui confia la ceinture, avec ses armes et son carquois. La
jeune femme s’élança à l’assaut de la pente et il la suivit. Le sentier montait
vers la petite porte derrière l’église Saint-Sardos. Est-ce que l’ennemi la
gardait ? Enfin, si c’était le cas, ils devaient pour l’heure avoir
d’autres problèmes à résoudre, car des archers se pressaient désormais sur la
tour du château, d’où ils tiraient leurs flèches sur la ville. Thomas pouvait
entendre des carreaux d’arbalète s’écraser en réponse contre les pierres du
château.
Le sentier était raide et détrempé. Le jeune homme ne
cessait de regarder sur sa gauche en quête d’un éventuel ennemi, mais aucun ne
se montrait sur la pente. Il pressa le pas, trébucha, vit le mur tout près
devant lui et se releva. Geneviève était déjà à la porte. Elle se tourna vers
lui. Thomas franchit les derniers pas et s’engouffra dans la poterne fracassée.
Il n’y avait aucun adversaire en vue. Il suivit la jeune
femme dans la ruelle sombre qui débouchait sur la petite place. Un carreau
d’arbalète s’écrasa sur les pavés et rebondit. Quelqu’un hurla.
Thomas vit la rue principale encombrée d’hommes d’armes. Il
fut conscient qu’une flèche passait en sifflant à côté de lui au moment où il
découvrait tout ensemble que la moitié de l’arche de la porte était détruite,
qu’un tas de gravats bloquait une grande partie de l’entrée du château, qu’une
pile de corps nus gisait sur la place sous le mur d’enceinte de la forteresse
et que des traits d’arbalète pleuvaient sur les pavés. Sans s’arrêter, il sauta
sur les ruines, rebondit contre la partie restante de l’arche et… se retrouva
enfin en sécurité dans la cour, où il s’affala en glissant sur les pierres
trempées. Sa glissade s’acheva quelques mètres plus loin, contre une barricade
de poutres dressée en travers de la cour.
Avec son unique œil et son air terrible, messire Guillaume
lui souriait.
— Il t’en a fallu du temps, pour venir ! lui lança
le Normand.
— Bon sang ! jura Thomas.
Tous les coredors étaient là, à l’exception de la
femme tombée du barrage.
— J’ai pensé que vous aviez besoin d’aide…
— Tu crois pouvoir nous aider ? répondit
d’Evecque.
Il aida Thomas à se remettre sur ses pieds et étreignit son
ami.
— J’ai cru que tu étais mort.
Puis, embarrassé par cette effusion inhabituelle, le borgne
tourna la tête vers les coredors et leurs enfants.
— Qui sont ces gens ?
— Des bandits. Des bandits affamés, expliqua l’archer.
— Il y a de la nourriture dans la salle haute, indiqua
messire Guillaume, nullement troublé par la révélation de leur qualité.
Jake et Sam accoururent à leur tour, un sourire jusqu’aux
oreilles. Ils escortèrent Thomas et Geneviève en haut du donjon. Exténués, les coredors regardaient, bouche bée, les fromages et la viande salée étalés
sur les tables.
— Mangez, les invita le Normand.
Thomas se rappela les corps nus sur la place de la ville.
S’agissait-il de ses hommes ? Guillaume secoua négativement la tête.
— Ces bâtards nous ont attaqués… et ils sont morts.
Alors, nous les avons déshabillés et nous les avons jetés par-dessus le mur.
Maintenant, les rats s’en repaissent. Ce sont de très gros bâtards.
— Et les rats ?
— Aussi énormes que des chats, rit messire Guillaume.
Bon, qu’est-ce qui t’est arrivé ?
Thomas lui raconta tout en mangeant. Il lui expliqua comment
il s’était rendu au monastère. Il lui parla de la mort de Planchard, du combat
dans les bois et du fastidieux
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