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L'Héritage des Cathares

L'Héritage des Cathares

Titel: L'Héritage des Cathares Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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t’avons emmené jusqu’à notre camp. Nous nous remettrons en marche dès que tu te porteras suffisamment bien pour nous accompagner vers le Sud afin de participer à la croisade, si tel est ton souhait. Sinon, tu es libre de suivre la voie qui te plaira.
    Je l’interrogeai du regard.
    —    Tu n’es pas au courant ? Mais d’où sors-tu ? En mars, le pape Innocent III a appelé les chrétiens à la croisade contre les hérétiques du Languedoc. Ceux qu’on appelle cathares. On raconte que Raymond VI, le comte de Toulouse, y a fait assassiner un de ses légats et que Sa Sainteté n’apprécie guère la chose. Mes hommes et moi sommes en route pour rejoindre l’armée de Simon de Montfort. On dit qu’ils seront des milliers devant Béziers.
    Les paroles énigmatiques que Métatron avait prononcées me revinrent à l’esprit. Suis le chemin du Sud, qui mène vers la ville des Saints. L’espace d’un moment, je me demandai si ce songe n’avait pas quelque qualité prophétique. Je rejetai aussitôt l’idée. Mais je n’avais plus ni parents, ni fortune, ni serfs. Qu’avais-je à perdre en le suivant ? Evrart me fit un clin d’œil espiègle.
    —    Et puis, une indulgence plénière pour quarante petites journées de service, c’est profitable. Il suffit d’occire du cathare à volonté pour voir tous ses péchés pardonnés, les grands comme les petits. De surcroît, l’intérêt sur mes dettes est reporté et, si tout va bien, je ramènerai un joli butin qui me permettra de les régler avec un bon surplus en poche. La croisade est une aubaine pour les goussets et pour l’âme !
    Il s’arrêta et une ombre passa brièvement sur son visage.
    —    De toute façon, rien ne me retient sur mes terres, ajouta-t-il d’une voix faible. Ma femme est morte en couches en janvier. Le fils que j’espérais n’a pas survécu. D’un seul coup, tout m’a été enlevé. Plutôt affronter des adversaires valeureux que vivre avec le souvenir de ce que j’aurais pu avoir. Et si j’y laisse la vie, tant pis. Je retrouverai ceux que j’aime au paradis. En espérant que Dieu veuille bien m’en ouvrir les portes, évidemment.
    Il haussa les épaules, embarrassé.
    —    On se fait croisé par appât du gain, pour le plaisir de guerroyer ou par pure conviction religieuse. Moi, je le suis devenu par dépit. Sans doute aussi un peu par lâcheté.
    Il se racla la gorge, mal à l’aise, et changea de sujet.
    —    Et cette autre blessure ? s’enquit Evrart. Elle te fait mal ?
    J’ignorais de quoi il parlait. J’avais une cicatrice autour de la
    gorge, là où le chef des brigands m’avait asséné le coup d’épée qui était censé m’avoir décapité et auquel j’avais mystérieusement survécu. La cicatrice parcourait la circonférence de mon cou plutôt que ma seule nuque. Mais je n’avais conscience d’aucune autre blessure. Evrart se pencha sur moi et écarta ma chemise pour dénuder mon épaule gauche.
    — Ces brigands ont utilisé un fer rougi au feu pour te marquer comme du bétail, déclara-t-il, dégoûté, en inspectant la peau. J’ignore ce que tu avais bien pu faire pour t’attirer une telle haine. La blessure suintait encore lorsqu’on t’a trouvé. Heureusement, elle semble bien guérir. Je me demande bien pourquoi quelqu’un a décidé de te décorer de cette croix bizarre.
    J’étirai le cou pour examiner mon épaule. Quelques doigts au-dessus de mon sein gauche, une marque avait été brûlée dans ma chair.
    Sidéré, je revis en esprit la crosse de l’archange s’approcher de mon épaule et s’y appuyer en me causant une atroce douleur. Je m’évanouis à nouveau.
    Il me fallut trois autres journées avant de pouvoir avaler de la nourriture solide et une huitaine en tout pour me tenir debout. Attentionné à l’excès, Evrart de Nanteroi passait plusieurs fois par jour pour s’informer de ma récupération. Il m’apportait lui-même boisson et nourriture, s’enquérait de mes besoins et me faisait la conversation. J’avais honte de la prévenance remplie de bonté qu’il me prodiguait alors que le seigneur qu’il était aurait fort bien pu déléguer ces corvées à un de ses hommes. Je m’en sentais indigne. J’étais souillé. Je réexaminais sans cesse la vie que j’avais menée et la voyais désormais à travers le prisme d’un cauchemar qui n’en était pas un. Tout ceci ayant été bien réel.
    J’avais l’impression d’avoir perdu la

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