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L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes

L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes

Titel: L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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suis heurtée, dans le couloir, à une femme qui a juré tout bas et j’ai croisé, ou plutôt deviné, des fantômes qui, comme moi, marchaient nu-pieds sur les dalles froides. La lune éclairait en partie le lavabo. Dans l’embrasure d’une des fenêtres, un couple se tenait enlacé. Deux Slaves, dont les cheveux nattés semblaient roux, dans la lumière, s’embrassaient amoureusement. Dire qu’ici même la dépravation se donne libre cours. On m’avait avertie, j’avais peine à y croire…
    — Le long du mur opposé, une femme était couchée sur une table. Une courte couverture lui recouvrait le visage et le torse. Les jambes étaient enserrées dans un sac à coulisse.
    — A-t-elle senti ma présence ? Tout à coup, de sa main elle a écarté la couverture et des yeux, d’immenses yeux noirs, m’ont regardée fixement avec une lueur si atroce que j’ai senti mon sang se glacer dans mes veines.
    — Je suis remontée dans ma couchette aussi rapidement que me le permettaient mes jambes impotentes, mais je suis restée longtemps sans pouvoir retrouver la moindre somnolence. Et à quatre heures, j’ai reçu un choc, en constatant le vol de mes sandales. Une bonne âme a bien voulu me prêter une paire de pantoufles, trop petites pour mon pied, mais que j’ai appréciées à leur valeur, car la pluie est encore tombée torrentielle cette nuit, et l’on avait de la boue jusqu’aux chevilles pendant l’appel tout à l’heure.
    — Pendant l’appel, aussi, j’ai eu l’explication de l’incident nocturne. C’était une gitane, devenue folle, paraît-il, que Guerda avait traînée hors du dortoir et tellement frappée que la malheureuse ne pouvait plus faire un mouvement. Guerda l’avait ensuite ficelée comme on sait, en attendant l’aube.
    — Une (127) nuit, comme nous croupissions dans notre remugle d’étable, un cri qui jaillit se répercute :
    — « Attention ! Attention ! Il y a des voleuses de chaussures. »
    — C’est un rezzou de gitanes, coutumières du fait paraît-il.
    L’avertissement a déclenché une confusion panique. Les pillardes s’évanouissent ! Au lever, des vociférations devant les disparitions de galoches, que sanctionnent des punitions terrifiantes, dont une de Strafblock.
    — Horrifiée (128) , je remarquai une petite tsigane de dix-sept ans moins laide que la plupart de ses congénères, qui toussait convulsivement et dont la main affreusement estropiée suppurait. Quel mal faisait-elle lorsque sa roulotte errait dans la plaine hongroise et que les hommes de sa tribu jouaient du violon dans les villages ? Sa roulotte était la liberté même, et tout ce qui est libre offense les Allemands, aussi ils cherchent à la détruire.
    — Un soir (129) après une longue station dans la neige, je suis tout étourdie de froid. Il me faut courir pour obtenir une place dans la salle à manger, mais la tête me tourne, je bute et je tombe le nez en avant. Je pousse un cri pour que les tsiganes qui me suivent s’arrêtent ; deux d’entre elles m’aident à me relever ; sous prétexte de chercher mon manchon – je saigne abondamment – elles fouillent mon sac et prennent mes pommes de terre. Mais elles m’aident à avancer. Nous passons devant l’Aufseherin, je suis la dernière de la colonne, elle m’envoie un grand coup de pied. Pourquoi ?
    — J’attends (130) trois cents Françaises dans la matinée pour les mettre au Block A. Tout le baraquement était occupé jusqu’à avant-hier par des tsiganes…
    — Yéée… fit la Polonaise aux cheveux gris crêpés. Ça doit grouiller de poux ! Il n’y a rien de plus sale que les tsiganes…
    — Des (131) Slaves ont reçu la permission de psalmodier. De-ci de-là, elles forment des chœurs, et leur chant bas, plaintif et mélodieux, vous remue étrangement.
    — Miracle : quelques femmes ont pu laver leur linge, mais, comme il n’y a pas d’endroit où le sécher, elles marchent lentement, tenant à bout de bras chemises, culottes, bas, qu’elles éventent dans le soleil. L’une d’elles récite en même temps son chapelet. Certaines se servent de leur poitrine comme séchoir.
    — Mais que veut dire tout ce bruit ? Des policières, bâton à la main, nous bousculent :
    — « Los !… Los !… Los !… »
    — Nous sommes refoulées brusquement. Beaucoup se sauvent en courant. Il faut de la place. Pour qui ? Pour quoi ?
    — Pour un bataillon extraordinaire, composé de

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