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L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes

L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes

Titel: L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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retrouvons rien, et nous restons trois jours habillées de la chemise et de la culotte reçues aux douches. Nous réclamons des habits, mais nous ne recevons que des coups. Alors, nous lavons dans le chlore trouvé aux W.-C. de pauvres hardes abandonnées, souillées et nous y cousons le nouveau numéro matricule qui nous est attribué. Cette fois, le triangle rouge porte l’initiale de notre nationalité, F.
    — Une innovation nous attend encore ; une partie du Block 16 est transformée en maison galante pour S.S. et pompiers du camp (condamnés de droit commun). Des draps blancs remplacent nos sacs de couchage à carreaux, des gravures très suggestives sont placées aux murs, un phonographe lance les derniers airs de danse de chaque côté de l’entrée, deux cages avec oiseaux remplacent sans doute la lanterne et le numéro.
    — Les tsiganes ont même leur salon particulier limité par des placards et des couvertures tendues sur des ficelles. Très souvent, la ficelle rompt et un spectacle bestial s’ouvre à nos yeux. Le tarif n’est pas celui de Buchenwald, il s’évalue en matières comestibles et en cigarettes. Nous voyons apporter à ces dames (très peu de Françaises, je constate) de la semoule sucrée, du sucre, des oignons, du saucisson, du café, du tabac. On aperçoit même parfois des os de poulet et des coquilles d’œufs, mystère encore ! L’obscurité règne la nuit, car nous sommes souvent en alerte et ce sont de véritables orgies, des hommes ivres tombent dans les couloirs. Il y a des batailles, des cris et il est difficile aux non-volontaires pour ce travail de nuit de se reposer.

Témoignage Germaine Tillion.
     
    — Les (138) malheureuses tsiganes m’inspiraient une pitié profonde. J’allais souvent dans leur Block et j’avais même commencé un petit vocabulaire comparé des divers dialectes gitans afin d’amorcer la conversation sans exciter de curiosité par mes questions. C’est ainsi que j’ai découvert deux familles de tsiganes belges et une vieille tsigane française, femmes ahuries par leur incompréhensible malheur, mais ayant une instruction primaire et des habitudes de vie matérielle qui leur rendaient insupportable la cohabitation avec les tsiganes allemandes. Le reste (à l’exception de quelques tsiganes tchèques) était étonnamment sauvage, moins cependant que certaines Ukrainiennes mais sensiblement plus que les femmes des tribus africaines où mon métier d’ethnologue m’a conduite. À vrai dire je n’ai pas vu ces dernières dans un camp de concentration.
    — La vieille tsigane française m’a raconté son histoire ; on était forains et on faisait les marchés avec une très bonne boutique de jeux, héritée des parents – elle, son mari, ses grands enfants, et encore un gendre et un frère marié, en tout quatorze personnes. Mais quand la saison était finie on revenait à Paris dans un joli petit appartement, avec la radio et tout le confort. Un soir, les Allemands ont arrêté tous les forains de la kermesse (ça se passait à Lille, je crois) et ils ont déporté ceux qui étaient bruns. On les a d’abord amenés dans une prison de Belgique et là ils ont su qu’ils iraient à Auschwitz.
    — « Et les autres me disaient : ma pauvre femme c’est l’enfer où vous allez, mais qu’est-ce que je pouvais y faire ? Quand nous sommes arrivés à Auschwitz, on nous a mis dans un grand hangar en planches avec de la caillasse noire par terre et rien d’autre, ni paille, ni couverture, et rien à manger ni à boire pendant deux jours… et par les fentes des planches nous voyions de grandes flammes toutes rouges mais nous ne savions pas ce que c’était. Au bout de deux jours l’ordre est venu de ne pas nous tuer, alors on nous a donné de la soupe et des bidons d’eau et on nous a mis ailleurs… »
    — Puis l’horrible misère, les coups, et un à un, tous sont morts jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’elle et peut-être sa plus jeune fille dans un autre camp, elle ne savait pas.
    — « Mais pourquoi ? qu’est-ce que nous avons fait ? répétait-elle sans cesse… pourquoi ? pourquoi ? »
    — Dans le long catalogue des crimes allemands, rien n’a atteint le martyre des tsiganes (même pas celui des juifs qui ont eu souvent la chance de mourir vite) : toutes les variétés d’assassinats ont été essayées sur eux. Plus souvent que n’importe quel autre peuple ils ont dû servir de cobayes pour les

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