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L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes

L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes

Titel: L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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tribunal. (Il y est déjà.) Le témoin est puni de quatre-vingt-dix jours de prison. Avez-vous quelque chose à dire pour expliquer votre conduite ?
    Holleinreiner :
    — Je suis très excité et cet homme est un meurtrier. Il a miné ma santé.
    Trois jours plus tard le cobaye tsigane des expériences sur l’eau de mer sera autorisé à reprendre sa déposition.
    De nombreuses expériences médicales se déroulèrent à Dachau dès 1942. Parmi les plus célèbres, celles qui intéressaient particulièrement l’aviation et la marine allemandes dans le domaine des hautes altitudes, du froid et de l’eau de mer. Si les essais de « survie » par absorption d’eau de mer furent pratiqués exclusivement sur des tsiganes métis (de sang mêlé), les deux autres séries touchèrent une vingtaine de détenus tsiganes. Deux participèrent et survécurent aux trois expériences, cinq aux deux dernières. Pour l’eau de mer, la totalité des « sujets » venaient d’Auschwitz et de Buchenwald. Pour le froid et les hautes altitudes ils furent choisis parmi les déportés du camp même de Dachau. Ces tsiganes étaient les derniers survivants des 2 000 ou 2 200 qui avaient été internés en 1938.
    — Oui (171) , je me souviens de ces tsiganes. De joyeux lurons. Ils sont entrés au camp à l’été 1938. Ils venaient surtout d’Autriche – environ 2 000. Ils étaient groupés dans les baraques 20 à 30. Je me souviens surtout de trois familles : les Horvath, les Scharkosi et les Baranai. Ils portaient presque tous le prénom de Joseph. Dans une pièce, il y avait cinquante Joseph Horvath. Grande confusion. La vie carcérale était plus difficile à supporter par les nomades que par les sédentaires. Ils étaient comme des oiseaux sauvages. Comment auraient-ils pu comprendre la réclusion ? La liberté leur était nécessaire. Ils moururent les premiers, je m’en souviens. Tous les tsiganes portaient l’uniforme – un pyjama rayé avec un triangle brun sous le sein gauche et sur le pantalon. On leur avait pourtant laissé leurs violons. Bon. C’est ainsi que le dimanche, ils défilaient d’un bâtiment à l’autre et jouaient pour les autres prisonniers. Un acteur juif autrichien faisait un numéro comique avec eux. Ils nous remontaient souvent le moral.
    — Au cours de l’hiver 1939-1940, les tsiganes durent travailler très durement en dépit du froid. De ces premiers 2 000, je n’en connais aucun qui ait survécu.
    — Un (172) dimanche après-midi, Fabing réussit à nous faire sortir, Perrier et moi, du Block 15 où nous étions confinés depuis notre arrivée. C’était la première fois qu’il nous était permis de voir l’immense foule de Dachau. Des milliers d’êtres humains allaient et venaient, d’un air dégagé, à travers l’allée centrale, celle qu’on appelait par dérision la Freiheitstrasse, la rue de la Liberté, et les allées latérales. Spectacle imprévisible : un match de football se déroule sur l’Appelplatz.
    — Le nombre de culs-de-jatte nous déconcerte. On les a donc tous rassemblés ici ? Le pourcentage des manchots, unijambistes et autres infirmes nous déroute. Une horde de bohémiens, de romanichels achève de nous ahurir.
    — « Ce sont donc là, demandions-nous, les ennemis du Grand Reich qui méritent l’honneur de la déportation dans un tel lieu ?
    — Les jours qui suivirent nous apprirent vite le sort qui attendait tous ces « noirs », tous ces asociaux du Block 22. Un immense transport d’« invalides », allait nous débarrasser d’eux. Direction Auschwitz. Des transports analogues, j’en ai vu quelques autres par la suite, jusqu’au dernier, en décembre 1944, celui de Jordery, le député d’Oullins dans le Rhône et de tous les vieux du Block 30.
    — Ces transports d’invalides étaient la terreur des anciens. On les craignait moins pour soi que pour les camarades à qui on tenait, ceux qui ne pouvaient plus travailler. Ces derniers se voyaient un beau matin retenus sur l’Appelplatz, un par un, sans que rien l’eût laissé prévoir. C’était fini : des S.S. les encadraient. Jamais aucun n’est revenu.
    — Les tsiganes (173) ne quittaient Dachau pour Auschwitz qu’après avoir subi plusieurs contrôles médicaux effectués par des commissions étrangères au camp. Curieusement elles étaient composées en majorité de civils. Je pense qu’au cours de ces visites, on complétait les fameuses fiches

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