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L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes

L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes

Titel: L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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détails.
    — « Attention, on tourne ! »
    — Le petit monde s’est mis en action. Le camp s’éveille. Une vieille tourne la soupe. Une autre lave une fillette dans une cuvette en métal. Un homme tresse des paniers. Un grand-père ressemelle des chaussures… Ça dure plus de deux heures. On règle des mouvements, des entrées et sorties de roulottes. On éteint le feu, on le rallume. Encore une heure. Puis autour d’un autre feu, près des arbres, c’est la veillée (en plein jour, ce qui est pratique pour le cinéma). Musique, chants, danses. J’ai dû prendre une bonne centaine de photos. L’assistant récupère appareils et photos. Une dernière bière et nous retrouvons après dix minutes de marche la Mercedes au pied de la colline… Puis Buchenwald. Il nous avait été bien sûr recommandé de ne pas raconter à nos camarades ce que nous venions de voir mais ce tournage délia la langue de Weber. Six mois auparavant, il avait appris par ses amitiés du Bureau politique qu’un autre film avait été tourné par des militaires cette fois dans les bois même du camp, derrière la ménagerie, hors des barbelés. Cette fois rien à voir avec les « scènes de vie familiale » du campement tsigane. On avait entassé dans une petite baraque qui pouvait contenir tout au plus trente ou quarante personnes, deux cents hommes déjà mal en point. Il y avait beaucoup de tsiganes dans ce troupeau qui venait on ne sait d’où mais, en aucun cas de Buchenwald, des tsiganes, des prisonniers de guerre russes, et des déportés de plusieurs nationalités. On avait dit à Weber que c’étaient pour la plupart des « musulmans » au dernier degré. Une fois entassés dans la baraque, portes et fenêtres calfeutrées à l’aide de planches, plus personne ne sembla s’intéresser à eux. Pour garder la baraque, une dizaine de sentinelles qui couchaient sous une tente de campagne. Dans cet entassement sans eau, sans nourriture, il est probable que chaque jour qui passait devait connaître son lot de morts. Au bout de huit ou dix jours, des cinéastes installèrent leurs caméras. Les sentinelles arrachèrent les planches et on fit sortir les quelques survivants. Le tableau était paraît-il assez hallucinant, surtout que pour agrémenter le tournage, les S.S. placés derrière les caméras, tiraient des coups de feu en l’air. Weber ne comprenait pas quel but poursuivaient ceux qui avaient ordonné ce reportage cinématographique.
    La réponse, nous pouvons peut-être la trouver dans un témoignage recueilli par Germaine Tillion (169) dans le camp féminin de Ravensbrück.
    — Dimanche 11 mars. Vu à l’appel la première femme de « Bêtes, hommes et dieux » qui me parle du film.
    — Il s’agissait de M me  D., femme d’un écrivain polonais connu. Elle était non pas prisonnière mais « évacuée », elle appartenait à cette catégorie de femmes que les Allemands avaient emmenées en quittant Varsovie (avec toutes leurs valeurs et tous leurs bijoux) « pour les protéger contre les Russes ». Elles furent conduites à Ravensbrück, dépouillées de tout, tondues, numérotées, les jeunes bien portantes furent envoyées creuser des tranchées et les autres au Jugenlager où elles ont été assassinées par milliers. Puis l’ordre est venu de redescendre les survivantes dans le vieux camp et c’est à cela que la pauvre M me  D. devait d’être encore vivante. Elle osait à peine dire quelques bribes des choses qu’elle avait vues pendant les semaines qu’elle venait de passer dans cet enfer, et se décomposait littéralement en en parlant. L’authenticité de son témoignage me semble indiscutable et probablement en deçà, plutôt qu’au-delà de la vérité.
    — Voici l’histoire de ce film, dans toute son étrangeté.
    — Pendant l’hiver (janvier ou février 1945), les S.S., après avoir cloué les fenêtres et les portes d’un lavabo du Block (en style du camp « Waschraum »), y enferment, tassées les unes contre les autres, le plus de femmes qu’ils peuvent y faire entrer, puis ils bouclent la porte et les laissent ainsi. (Ici, il y a quelques détails que M me  D. m’a donnés avec précision mais que je n’ai pas voulu noter pour ne pas risquer de la compromettre, et que par conséquent je n’ose affirmer aujourd’hui. Ils concernaient la date exacte de cette expérience, le nombre de jours pendant lesquels elle a duré, la ration alimentaire que ces

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