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L'honneur de Sartine

L'honneur de Sartine

Titel: L'honneur de Sartine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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s’attendre à un trépas si soudain ?
    – Il était fort souffrant et depuis longtemps. Mais c’est un accident qui n’a que préludé à une fin que chacun pensait proche.
    – Quand l’avez-vous vu pour la dernière fois ?
    Une moue, dissimulée aussitôt par un accès de toux, déforma le visage du fermier général. Il toisa Nicolas.
    – Cette question a-t-elle une relation, je n’en vois guère, avec les papiers que vous prétendez examiner ?
    – Les questions ne répondent pas aux questions. Mais à ce jour je vous demanderais si pour une raison particulière celle-ci vous dérange ?
    – Certes non ! Simplement elle me déplaît, ne la trouvant pas en accord avec les justifications avancées de votre présence ici. Soit, je vous dirai que je n’ai pas vu M. de Chamberlin depuis plusieurs jours. Malade et atrabilaire en diable, son commerce ne m’était guère agréable. Il ne sortait presque plus de ses appartements. De fait nos relations étaient très refroidies, comme d’aucuns vous le confirmeront si vous grattez un peu dans ce sens.
    Nicolas nota le sourire ironique qui soulignait un propos un rien provocant. Au moins il ne dissimulait rien de ses sentiments à l’égard de son oncle. Soudain un piétinement de talons se fit entendre. Une femme âgée en robe de soie grise, avec une traîne ourlée d’un ruché, large jupe rembourrée aux hanches et manteau de soie noire orné d’une bordure mouchetée, entra dans la pièce appuyée sur une haute canne. D’où sortait-elle ? Les gants qu’elle portait laissaient supposer qu’elle rentrait de promenade. Cependant elle devait écouter la conversation depuis un moment ; l’irritation marquée d’un visage ridé, que ne dissimulait nul fard, ne pouvait avoir d’autre cause.
    – Ne dites rien, mon fils, que vous pourriez ensuite regretter. Ceux-là…
    Elle désigna de sa canne les visiteurs.
    – … n’ont aucune autorité ici. Ne savent-ils pas que…
    Ravillois leva la main. Était-ce pour la faire taire ?
    – Ma mère, votre passion vous égare. Veuillez, messieurs, lui pardonner. Elle a toujours eu le sang vif et la patience un peu courte.
    – Taisez-vous, malheureux ! Comment osez-vous ? Ainsi vous tolérez qu’on pénètre votre intérieur, que ceux-là s’autorisent à faire injure au deuil qui frappe cette famille ? Quel sang, mon fils, coule dans vos veines ? Que lui avez-vous concédé ?
    Nicolas en conclut que la bonne dame était un peu sourde ou qu’elle n’avait pas tout entendu de leur échange. M. de Ravillois prit avec fermeté le bras de sa mère dont la fureur avait dérangé la coiffure sous le grand nœud de taffetas noir, et l’entraîna.
    – Elle ne s’améliore pas avec l’âge, dit Gévigland, et multiplie les esclandres. C’est une harpie que je veille à éviter.
    Ravillois reparut qui se confondit en regrets.
    – Nous sommes accoutumés à ces sortes de crises, remarqua Nicolas, dès que nous paraissons sur le théâtre d’un… d’une enquête.
    Son hésitation était volontaire, mais son interlocuteur ne releva pas.
    – M. de Gévigland va nous mener à la chambre de votre oncle et nous procéderons. Il serait utile, si vous y consentez, de nous réunir à l’issue de notre travail. Quelques questions encore à vous poser, sans doute.

    Ils traversèrent à nouveau l’enfilade des pièces alors qu’un domestique s’évertuait à voiler les miroirs. Dans l’antichambre, un enfant d’une dizaine d’années s’enfuit à leur vue en clopinant. Écoutait-il lui aussi la conversation ? Cette maison était décidément pleine d’inattendus. Ce n’était pas cet aspect qui oppressait Nicolas, mais son atmosphère. Où avait-il
ressenti cette même impression ? Il se revit enfant, descendu dans l’obscurité d’un dolmen au lieu dit la Fosse-aux-loups. Un malaise l’avait saisi, le sentiment d’une menace qui lui avait fait prendre les jambes à son cou. Était-ce ici l’odeur écœurante des peintures, du plâtre et des vernis encore frais, cette humidité de l’air des bâtisses récentes, ou plutôt ce recul toujours ressenti dans les édifices trop neufs ? Son enfance s’était déroulée dans l’antique maison du chanoine Le Floch, son tuteur, et au château de Ranreuil, motte féodale, à peine mise au goût du siècle par le marquis son père. À Rennes, clerc de notaire, il avait occupé la soupente d’une vieille maison à colombages. Et que

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