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L'honneur de Sartine

L'honneur de Sartine

Titel: L'honneur de Sartine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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Messire Bertrand du Guesclin, Breton fidèle, qui reposait aux pieds de son roi. Il envia son destin. Il lui sembla que les gisants, attendris, le suivaient de leurs regards de marbre. Il se sentit appartenir à
quelque chose d’immense et qui dépassait de beaucoup son humaine destinée.
    Il gagna le carmel tout proche. En dépit de son royal voisinage, le choix d’un pauvre couvent sans prestige avait fait gloser lors de la prise de voile de la princesse. On avait évoqué une trappe du carmel , plaignant celle qui allait s’y enfermer à jamais. Les bâtiments austères, froids, sombres à l’excès, ne payaient guère de mine. Une silhouette muette le conduisit au parloir. Il entendit le bruit d’une porte qu’on ouvrait, le rideau fut tiré découvrant la grille et, dans une semi-obscurité seulement percée par la lumière d’une chandelle qui faisait danser les ombres, il distingua Madame Louise, celle que papa-roi nommait affectueusement chiffe . Dieu, qu’elle semblait fluette dans sa tenue de carmélite ! En habit brun et manteau blanc, elle se tenait debout, un peu penchée comme pour mieux le distinguer. Le voile noir cernait un visage diaphane d’un blanc cireux. L’émotion lui serra le cœur : les yeux bruns, doux, étaient ceux du feu roi. L’amaigrissement de la face accentuait encore la force du nez propre aux Bourbons. Il s’inclina profondément. La religieuse lui rendit son salut et l’invita à prendre place dans le fauteuil placé devant la grille. Elle-même s’assit sur un tabouret paillé.
    – Je vous sais gré, monsieur le marquis, d’avoir avec tant de diligence répondu à mon souhait de vous entretenir.
    – Je suis aux ordres de Son Altesse Royale.
    – Non, par pitié, non ! Sœur Thérèse de Saint-Augustin, seulement. Je redoute à l’excès ce qui tient à mon ancien rang et fuis même les choses qui pourraient m’en faire souvenir. Toutes mes sœurs ont plus sacrifié à Dieu que moi, elles lui ont offert
leur liberté. Au temps où j’étais esclave à la cour, mes chaînes pour être plus brillantes, n’en étaient pas moins des chaînes.
    Elle soupira et demeura plongée en elle-même. Nicolas vit que ses lèvres bougeaient ; elle priait.
    – Pourtant, nous sommes de vieux complices, dit-elle avec un petit rire aigrelet.
    – Madame ?
    Elle eut un mouvement contenu d’impatience. Il comprit que c’était ce titre qu’il lui donnait. Mais qu’y pouvait-il ? L’appeler ma sœur  ? Il ne s’y résoudrait jamais.
    – Oui, à Compiègne… À la chasse.
    – Je pensais que vous aviez oublié.
    – Point, monsieur, point. Vous m’avez pris mon paradis ! Mais heureusement, car cela m’a permis de tout faire pour le gagner. Les princes n’oublient rien. Voyez ! Même moi, je m’abandonne aux formes de mon passé ! Je m’en accuserai, il n’y a point de rampe à mon étourderie. Ainsi à Compiègne, une chasse au daim, mon cheval s’est cabré, effrayé par une feuille. Désarçonnée, j’ai roulé sur le chemin alors qu’une chaise, suivant la chasse, arrivait à vive allure. Un cavalier a surgi qui a dévié la voiture au risque de sa vie, sauvant ainsi la mienne. Personne ne l’a su, vous n’en avez rien dit.
    – C’était mon devoir d’assurer votre sécurité et de n’en point parler. Effrayée, Sa Majesté vous eût interdit ce plaisir…
    Elle paraissait attendrie à cette évocation.
    – Et, ajouta Nicolas, vous êtes aussitôt remontée en selle, gaillarde, maîtrisant votre monture à coups de cravache.
    – Pauvre bête !
    – Et, tête haute, vous êtes rentrée au château.
    – Oui, pour me jeter à genoux devant mon oratoire et remercier le Seigneur de sa protection. Il avait guidé votre geste. C’était un signe pour moi. Est-ce pour cela, m’a-t-on dit, que la reine, ma nièce, vous a surnommé le cavalier de Compiègne  ? Aurait-on appris l’épisode en dépit de votre discrétion ? Je n’aimerais point qu’on vous persiflât pour cela.
    – Hélas non ! Il souriait. C’est pour être tombé de cheval sous les yeux de la Dauphine et du roi, mon maître, lors de son arrivée en France. Sa Majesté a la bonté de s’en ressouvenir avec bienveillance.
    Elle rit, puis le regarda émue.
    – Vous aimiez le roi, mon père ?
    – Beaucoup, madame.
    – Allez à Saint-Denis, parfois.
    – Je viens de m’y recueillir.
    De nouveau elle soupira.
    – À vous, monsieur, je puis beaucoup dire.

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