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L'honneur de Sartine

L'honneur de Sartine

Titel: L'honneur de Sartine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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poursuivit. Noblecourt hochait la tête à chaque nouveau détail et au terme du récit médita un moment.
    – À bien y songer, le mystère réside dans l’entêtement de Sartine à ne point vous faire partager ses secrets et ses craintes.
    – Il est accoutumé à agir de la sorte. C’est une manière de religion du secret. Secret auquel il a appartenu du temps du feu roi.
    – Mais vous aussi vous y aviez part. Alors ?
    – En fait, j’ignore ce qui le hante, tout en redoutant de l’imaginer.
    – Je crois, hélas, trop bien le comprendre. Se pourrait-il qu’il éprouvât quelque gêne, de la vergogne pour tout dire, à vous confier, à vous, qu’il connaît depuis si longtemps, dont il a éprouvé à maintes reprises la fidélité, la loyauté et l’amitié, des faits dont il pourrait ne pas devoir s’enorgueillir ? Oui, il est possible qu’il fasse rechercher des pièces par des hommes qui ne sauraient en comprendre l’importance et à qui la gravité de certains faits échapperait. Bêtes brutes, dont se servent et abusent les puissants, chargées d’une tâche accomplie sans conscience et où ils excellent sans réfléchir. Le
secret dans ce royaume et la raison d’État procurent trop souvent une couverture commode à l’arbitraire.
    Il joignait les mains dans une sorte de déploration.
    – Imaginez ce qu’il peut ressentir à voir menacée la mission que le roi lui a confiée, à laquelle il se consacre avec le cœur qu’on lui sait. Il fait de son mieux pour pourvoir aux besoins de notre Marine et, quoique disposant des moyens les plus bornés, se flatte d’y parvenir avec succès. Et ce ne sont pas les obstacles qui manquent sur sa route, jusques aux marches du trône, hélas !
    – Pensez-vous qu’il se considère comme perdu si ce qu’il cherche tombe en de certaines mains ?
    – Je le crois et je le crains. Il y va de son honneur et du succès des armes de la France. De là cette humeur cassante et ce désespoir gazé sous l’aigreur.
    – Cependant, intervint Naganda, le salut est parfois au fond du désespoir.
    – Bien dit ! Aussi, Nicolas, le devez-vous aider malgré lui comme d’ailleurs vous l’avez toujours fait en d’autres temps. Et cela malgré les coups de caveçon qu’il ne vous épargne pas. Autre chose. À vous écouter, je m’interrogeais. Deux ou trois meurtres dans la même maison. Que cherchent les inconnus qui se succèdent et se massacrent aux Porcherons ? Il n’y a pas apparence que ce soit la même chose. Pourquoi a-t-on tué le valet de M. de Chamberlin ? D’où proviennent les pierres précieuses que vous avez découvertes dans la chambre de l’enfant ? Qui savait qu’elles se trouvaient là ? Il faut, à tous coups, répondre à ces questions.

    Songeur, Nicolas quitta ses amis. Les remarques de Noblecourt, il savait bien qu’elles stagnaient
incertaines ou informulées dans son esprit sans qu’il les sollicite autrement. Sémillante, mutine, encensait. Sensible à l’humeur chagrine de son maître, elle changeait d’allure selon son caprice pour attirer son attention et le distraire des soucis dont elle le sentait agité.
    Parvenu à Saint-Denis, Nicolas ne put résister au mouvement qui l’entraîna dans l’église. Six ans auparavant, à quelques jours près, étaient célébrées les funérailles du feu roi. Il y avait assisté aux côtés de Naganda éploré 41 . Il se porta vers l’entrée de la crypte du caveau des Bourbons. Là, sous une simple draperie, le cercueil de Louis le Quinzième attendait celui de son successeur avant de prendre sa place définitive quelques toises plus bas. Cette tradition manifestait la continuité des rois. Il se souvint d’une horloge jadis admirée à Strasbourg. Au fur et à mesure que le jour s’écoulait, son savant mécanisme faisait défiler différents personnages. Ainsi en était-il du temps, de la monarchie et de ceux qui l’incarnaient. C’était une mécanique immuable et rassurante. Le cœur serré, il médita et pria un long moment devant les restes d’un souverain à qui il devait tant. En traversant le chœur désert qu’éclairaient les rayons colorés tombant des rosaces, il s’interrogea. Étaient-ils nombreux, ceux qui, comblés de faveur par le souverain disparu, venaient prier pour son salut ? Il ressentit avec force que l’ingratitude s’adressait encore davantage, comme un privilège à rebours, à ceux qui avaient beaucoup donné. Il alla saluer

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