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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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n’avait su ce que signifiait ce grondement. Un jour, soit curiosité réelle, soit simple besoin de parler, il demanda au geôlier ce qu’on entendait là, par delà les murailles.
    – C’est la grosse conduite d’eau qui alimente les fossés, dit le geôlier. Vous avez de la chance. Les infiltrations ne viennent pas chez vous comme dans le cachot au-dessous.
    – Ainsi, dit Passavant, je n’aurais qu’à percer ce mur, et ce cachot serait inondé ?
    – Mon Dieu, oui… Oh ! oh ! ajouta tout à coup le geôlier en considérant son prisonnier, est-ce que vous auriez l’idée de vous noyer ?
    – Moi ? Oh ! non, je tiens trop à vivre…
    – C’est que vous iriez droit au diable. Vous eussiez fait cela jadis quand vous êtes arrivé ici, vous auriez été peut-être pardonné dans l’autre monde. Maintenant, c’est autre chose. Car maintenant, vous êtes un homme.
    Ce mot produisit sur Passavant un étrange effet. Il frémit. Il bégaya :
    – « Un homme !… »
    – Sans doute. Vous êtes dans la douzième année de votre séjour ici. Vous devez avoir vingt-quatre au vingt-cinq ans. Vous êtes un homme… tenez, alignons-nous, cela nous amusera, donnez-moi ma revanche.
    Passavant, ce jour-là, refusa.
    Il demeura immobile à la même place et répétant parfois à voix basse : « Maintenant, je suis un homme. » Ce mot, d’un coup, lui montra la profondeur de son malheur.
    La terrible parole du geôlier fut pour lui l’heure qui sonne.
    Cette heure sonnait son entrée dans un nouveau cycle de vie.
    Passavant résolut de mourir, et dès lors, il y eut en lui une détente de cette morne désespérance qui était le fond même de ses sensations et de ses sentiments. Il lui vint d’abord une sorte d’orgueil à se dire qu’il en finirait quand il voudrait. Puis la pensée d’échapper au cachot par la mort lui procura un apaisement qui rafraîchit son cœur ; et, chose étrange, ce fut alors seulement qu’il se demanda avec fermeté « pourquoi » on l’avait supprimé de la vie, et « qui » l’avait fait jeter dans cette fosse.
    Il ignorait Jean sans Peur.
    Il n’avait nullement reconnu la reine dans la scène de l’oratoire.
    Il songea vaguement à l’homme de la Cité. Il finit par se dire que sans doute c’était lui qui, pour des motifs inconnus, l’avait rayé de la liste des vivants. Il n’attacha d’ailleurs qu’une faible importance à cette recherche : curiosité de mourant. Et quelques jours plus tard il se mit à l’œuvre. Il n’avait d’autre arme qu’un outil de fer ébréché oublié un jour qu’on lui avait fait une réparation aux dalles. La mort par l’eau lui parut la plus facile. Avec son outil, il n’arriverait qu’à se blesser.
    Il attaqua la pierre à un pied du sol et reconnut avec joie qu’elle était friable.
    Au tout de huit jours de travail, il comprit qu’il touchait au but.
    Le geôlier ne vit rien de cette tentative ; le prisonnier cacha facilement sous la paille qui lui servait de couche la poussière de pierre qu’il extrayait ; quant à l’orifice, toutes les fois qu’il entendait descendre, il le cachait en s’asseyant, le dos au mur.
    Enfin, le soir vint où, au grondement distinct de l’eau, il jugea qu’il n’en était plus séparé que par quelques pouces de pierre. Il se remit à creuser.
    Au bout de dix minutes, tout à coup, il sentit le vide…
    L’eau allait venir !…
    Malgré tout son désir de mort, Passavant frissonna, et fermant les yeux, demeura à genoux devant ce funèbre goulot qui allait lui verser la mort… Dans le même instant, il éprouva cette sensation bizarre, impossible, que déjà il sentait la fraîcheur de l’eau sur son corps, jusqu’à sa poitrine, jusqu’à son front ! Que déjà il suffoquait !… Il ouvrit les yeux et ne vit pas une goutte d’eau autour de lui…
    Il allongea le bras dans le boyau qu’il avait percé ; sa main atteignit la conduite d’eau : c’était du fer, des cylindres de fer, et le misérable outil ne pouvait rien contre une pareille carapace.
    Passavant, condamné à vivre – du moins jusqu’à ce qu’il eût trouvé un autre mode de suicide – poussa un gémissement. Ce délai que lui imposait la mort lui parut une affreuse calamité.
    Accroupi dans son angle habituel, de ses yeux luisants, il contempla cette porte par où, si souvent, dans les ténèbres, lui était apparue la stature colossale du geôlier pareil à l’un des titans

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