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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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le geôlier n’osa plus entrer dans le cachot, et lui passa ses rations de pain et d’eau par une sorte de judas pratiqué dans la porte, comme on fait aux fauves à travers les barreaux de la cage.
    À la longue, cette fureur et ce désespoir se transformèrent en une sorte de résignation entremêlée de crises de larmes pendant lesquelles il appelait Roselys. Le geôlier recommença à entrer dans le cachot. Puis cette résignation elle-même fit place à une indifférence terrible. Puis l’instinct d’activité se réveilla peu à peu. Il fit alors des marches de plusieurs lieues dans cet espace restreint. Il s’exerça à tirer sur les anneaux de fer scellés au mur, comme pour les arracher. Il se développait. Il grandissait. Les années passaient, et les anciennes impressions de son enfance fuyaient au fond des temps. En outre, au bout de quelques années, le geôlier se prit pour lui d’une sorte d’affection rudimentaire, qui se traduisit par l’offre de quelques séances d’escrime. On eût pu voir alors ce singulier spectacle du geôlier et du prisonnier ferraillant pendant des heures à la lueur d’un falot, dans ce cachot.
    En ces occasions, le geôlier reconnaissant offrait à Hardy un gobelet de vin. Hardy acceptait avec joie la séance d’escrime qui lui détendait les nerfs, mais il lui refusait le vin, peut-être par une sorte de dignité qui survivait en lui.
    Il s’était accoutumé à étudier tous les bruits du dehors, si faibles qu’ils fussent. Cela lui servait à mesurer le temps. En l’an 1407, le prisonnier était un jeune homme de taille élancée, pâle et les yeux brillants, la moustache bien dessinée, les cheveux retombant sur les épaules, gardant sous les lambeaux de vêtements que lui jetait le geôlier une sorte d’élégance instinctive. Sa figure était douce, et, chose étrange, elle semblait même parfois ironique et moqueuse.
    À cette époque, sa vie passée était à peu près morte. Les détails en étaient confus. Laurence d’Ambrun, son logis de la rue Saint-Martin, ses équipées, ses batailles dans la rue, ce n’étaient plus que des images très effacées, prêtes à disparaître.
    Le nom de Roselys ne revenait plus sur ses lèvres. Ce n’était plus qu’avec effort que, parfois, il arrivait à se retracer l’image de sa petite amie, et, naturellement, il la revoyait alors à l’âge de cinq ans, fillette à la grâce exquise. Mais son cœur ne battait plus comme jadis à cette évocation.
    Puis ces vagues impressions finirent par s’évanouir.
    Pour Passavant, il n’y eut plus au monde que son cachot et son geôlier.
    Il avait d’ailleurs à peine idée de l’endroit où pouvait se trouver ce cachot. Il avait oublié qu’il existât un Hôtel Saint-Pol et une tour Huidelonne…
    En cette année 1407, un soir, au moment où la porte s’ouvrait pour donner passage au geôlier, le prisonnier perçut des bouffées de bruits inaccoutumés, et demanda :
    – Que se passe-t-il chez les vivants ?
    Le geôlier raconta qu’une grande fête se préparait, et que, ce serait aussi beau que pour l’entrée d’Isabeau à Paris. Puis il ajouta :
    – C’est pour la nouvelle venue…
    – Une nouvelle reine ? interrogea le prisonnier.
    – Non. Une guérisseuse. Il y a un mois qu’elle est ici, et, par ma foi, elle est presque reine. On l’appelle Odette de Champdivers…
    L’incident n’avait aucun intérêt pour le prisonnier. Il l’oublia aussitôt. Et deux mois, à partir de ce jour, s’écoulèrent. Passavant avait alors vingt-quatre ans. Son plaisir, sa distraction unique était de s’escrimer contre le geôlier qui, parfois, descendait deux épées et disait : Allons, ma revanche !
    Chose extrêmement digne de remarque : le prisonnier était devenu plus fort que le geôlier qui cependant était un terrible ferrailleur ; il eût pu en somme le tuer : pas une fois cette pensée ne vint à Hardy.
    Depuis quelque temps, la résignation commençait à lui peser. Il y avait en lui une sève d’activité qui voulait déborder. Il avait beau briser son corps par la marche, l’exercice des anneaux et l’escrime, quand il tombait épuisé sur les dalles, il se disait qu’il ne s’était pas assez fatigué. Alors il se mettait à compter les pulsations du sang à ses tempes, ou bien, pendant des heures, il écoutait un grondement sourd et continu qu’il connaissait bien et qui, en quelque sorte, lui tenait compagnie. Jamais il

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