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L'Ile du jour d'avant

L'Ile du jour d'avant

Titel: L'Ile du jour d'avant Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Umberto Eco
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donnes un coup de pied.
    — Et alors ?
    — Et alors essaie toi à songer ce que tu ferais si tu serais Dieu.
    Roberto s’était pris au jeu : « Si je serais Dieu, dit-il, vu que je pense qu’il n’arrivait plus à conjuguer les verbes comme le Dieu des Italiens le commande, je créais de l’eau nouvelle.
    — Toi, mais Dieu non. Dieu peut eau ex nichilo créer, mais où Il met elle après le Déluge ?
    — Alors Dieu avait placé dès le début des temps une grande réserve d’eau sous l’abysse, cachée dans le centre de la terre, et Il l’a fait sortir en cette occasion, seulement pour quarante jours, comme si elle surgissait des volcans. C’est certainement ce que veut dire la Bible quand nous lisons qu’il a fait jaillir les sources de l’abysse.
    — Tu crois ? Mais des volcans sort le feu. Tout le zentrum de la terre, le cœur du Mundus Subterraneus, est une grosse masse de feu ! Si dans le zentrum le feu est, l’eau ne peut dedans aussi être ! Si l’eau y serait, les volcans étaient des fontaines », concluait-il.
    Roberto n’en démordait pas : « Alors, si je serais Dieu, je prenais l’eau d’un autre monde, vu qu’ils sont infinis, et je la versais sur la terre.
    — Tu as à Paris entendu ces athées qui des mondes infinis parlent. Mais Dieu a un seul de monde fait, et il suffît à sa gloire. Non, toi pense mieux, si non infinis mondes tu as, et tu n’as pas le temps de les faire précisément pour le Déluge et puis tu les jettes de nouveau dans le Néant, qu’est-ce que toi fais ?
    — Alors là vraiment je ne sais pas.
    — Parce que toi une petite pensée tu as.
    — Possible que j’aie une petite pensée.
    — Oui, très petite. À présent toi pense. Si Dieu l’eau prendre pourrait qui fut hier sur toute La terre et la mettre aujourd’hui, et demain toute l’eau prendre qui fut aujourd’hui, et c’est déjà le double, et la mettre après-demain, et ainsi ad infinitum , peut-être vient le jour où Lui toute notre sphère à remplir réussit, jusqu’à couvrir toutes les montagnes ?
    — Je ne suis pas fort en calcul, mais je dirais qu’à un moment donné oui.
    — Ja ! En quarante jours Lui remplit la terre avec quarante fois l’eau qui se trouve dans les mers, et si tu fais quarante fois la profondeur des mers, tu couvres certainement les montagnes : les abysses sont beaucoup plus profonds ou aussi profonds que les montagnes hautes sont.
    — Mais où prenait Dieu l’eau d’hier, si hier était déjà passé ?
    — Mais ici ! À présent, écoute. Pense que tu serais sur le Premier Méridien. Tu peux ?
    — Moi oui.
    — À présent pense que là midi est, et disons midi du vendredi saint. Quelle heure est-il à Jérusalem ?
    — Après tout ce que j’ai appris sur le cours du soleil et sur les méridiens, à Jérusalem le soleil a dû déjà passer depuis longtemps sur le méridien, et on devrait être en fin d’après-midi. Je comprends où vous voulez m’amener. D’accord : sur le Premier Méridien il est midi et sur le Méridien Cent et Quatre-Vingts il est minuit, puisque le soleil est déjà passé depuis douze heures.
    — Gut. Donc ici il est minuit, donc la fin du jeudi saint. Qu’est-ce qui arrive tout de suite après ?
    — Commencent les premières heures du vendredi saint.
    — Et non sur le Premier Méridien ?
    — Non, là-bas ce sera encore l’après-midi de ce jeudi.
    — Wunderbar. Donc ici c’est déjà vendredi et là c’est encore jeudi, non ? Mais quand là vendredi devient, ici c’est déjà samedi. Ainsi le Seigneur ressuscite ici, quand là Il est encore mort, non ?
    — Oui, d’accord, mais je ne comprends pas…
    — Maintenant tu comprends. Quand ici c’est le minuit et une minute, une minusculaire partie de minute, tu dis que ici c’est déjà vendredi ?
    — Certes que oui.
    — Mais pense que dans le même moment tu ne serais pas ici sur le navire mais sur cette Île que tu vois, à l’orient de la ligne du méridien. Peut-être tu dis que là déjà vendredi c’est ?
    — Non, là c’est encore jeudi. Il est minuit moins une minute, moins un rien de temps, mais du jeudi.
    — Gut ! Dans le même moment ici c’est vendredi et là jeudi !
    — Certes, et… » Roberto s’était arrêté, frappé par une pensée. « Et pas seulement ! Vous m’avez fait comprendre que si en ce même instant j’étais sur la ligne du méridien il serait minuit précis, mais si

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