L'Ile du jour d'avant
chez nous l’explosion aurait lieu le jour). Comme si d’un souffle retenu, d’un charbon qui avait paru rougir par une haleine intérieure, par cette gôldene Quelle des Universums était née une échelle d’excellences lumineuses graduellement dégradant vers la plus irrémédiable des imperfections ; comme si le souffle créatif partait de l’infinie, lumineuse puissance concentrée de la divinité, rougie à blanc à en paraître nuit obscure, de plus en plus bas à travers la relative perfection des Chérubins et des Séraphins, à travers les Trônes et les Dominations, jusqu’à l’infime déchet où rampe le lombric et survit insensible la pierre, aux confins mêmes du Néant. « Et c’était la Offenbarung gôtdicher Mayestat ! »
Et si le troisième jour naissent déjà les herbes et les arbres et les prés, c’est parce que la Bible ne parle pas encore du paysage qui nous réjouit la vue, mais d’une sombre puissance végétative, accouplements de spermes, tressaillements de racines souffrantes et torses cherchant le soleil qui cependant, le troisième jour, n’est pas encore apparu.
La vie arrive le quatrième jour, où sont créés la lune et le soleil et les étoiles, pour donner lumière à la terre et séparer le jour de la nuit, dans le sens où nous les entendons quand nous calculons le cours des temps. C’est ce jour-là que s’ordonne le cercle des ciels, depuis le Premier Mobile et les Etoiles fixes jusqu’à la Lune, avec la terre au centre, pierre dure à peine éclaircie par les rayons des luminaires, et autour une guirlande de pierres précieuses.
Établissant notre jour et notre nuit, le soleil et la lune furent le premier et inégalé modèle de toutes les horloges à venir, lesquelles, guenons du firmament, indiquent le temps humain sur le cadran zodiacal, un temps qui n’a rien à voir avec le temps cosmique : il a une direction, un souffle anxieux fait d’hier aujourd’hui et demain, et pas la calme respiration de l’Éternité.
Arrêtons-nous alors à ce quatrième jour, disait le père Caspar. Dieu créa le soleil, et quand le soleil est créé – et pas avant, naturellement – il se met à se mouvoir. Eh bien, au moment où le soleil commence son cours pour ne plus s’arrêter, dans ce Blitz, dans cette fulguration avant qu’il ne fasse son premier pas, il se trouve à pic sur une ligne précise qui scinde verticalement la terre en deux.
— Et le Premier Méridien, c’est celui où soudain il est midi ! commentait Roberto, qui croyait avoir tout compris.
— Nein ! le refrénait son maître. Tu crois que Dieu est aussi stupide comme toi ? Comment peut le premier jour de la Créatione à midi commencer ?! Peut-être commence toi, en prinzipe desz Heyls, la Créatione avec un mal réussi jour, un Leibesfrucht, un fœtus de jour de seules douze hores ? »
Non, certainement pas. Sur le Premier Méridien la course du soleil aurait dû commencer à la lumière des étoiles, quand il était minuit et une miette, et qu’avant c’était le Non-Temps. Sur ce méridien avait débuté – de nuit – le premier jour de la création.
Roberto avait objecté que, si sur ce méridien il faisait nuit, il y aurait eu un jour avorté de l’autre côté, là où était à l’improviste apparu le soleil, sans qu’avant ce ne fût ni la nuit ni autre chose, mais seulement le chaos ténébreux et sans temps. Et le père Caspar avait souligné que le Livre Sacré ne nous dit pas que le soleil est apparu comme par enchantement, et qu’il ne lui déplaisait pas de penser (ainsi que toute logique naturelle et divine l’imposait) que Dieu eût créé le soleil en le faisant avancer dans le ciel, pour les premières heures, telle une étoile éteinte qui se serait allumée pas à pas dans le passage du premier méridien à ses antipodes. Peut-être s’était-il enflammé petit à petit, comme le bois jeune touché par la première étincelle d’un fuzil, qui d’abord tout juste fait un peu de fumée et puis, au souffle qui le sollicite, commence à crépiter pour se soumettre enfin à un feu haut et vivace. N’était-il pas beau peut-être d’imaginer le Père de l’Univers qui soufflait sur cette boule encore verte, pour l’amener à célébrer sa victoire, douze heures après la naissance du Temps, et précisément sur le Méridien Antipode où eux se trouvaient en ce moment ?
Restait à définir quel était le Premier Méridien. Et le père Caspar
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