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L'Ile du jour d'avant

L'Ile du jour d'avant

Titel: L'Ile du jour d'avant Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Umberto Eco
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les bords du Pô, sans tenir foi (sacrait Toyras) à l’accord selon lequel l’armée arrivant ils auraient dû abandonner Casal. Les Espagnols, par la bouche de monsieur de Salazar, rappelaient que l’accord fixait comme date limite le 15 d’octobre, et le cas échéant c’étaient les Français qui auraient dû céder la Citadelle depuis une semaine.
    Le 24 d’octobre, du haut des glacis de la Citadelle, on remarqua de grands mouvements dans les troupes ennemies, Toyras se disposa à soutenir de ses canons l’arrivée des Français ; les jours suivants, les Espagnols commencèrent à embarquer leurs bagages sur le fleuve pour les expédier à Alexandrie, ce qui parut bon signe à la Citadelle. Mais les ennemis sur le fleuve commençaient aussi à jeter des ponts de barques pour se préparer à la retraite. Et cela eut l’air si peu élégant à Toyras qu’il se mit à les canonner. Par dépit les Espagnols arrêtèrent tous les Français qui se trouvaient encore dans la ville, et comment se faisait-il qu’il y en eût encore, voilà qui m’échappe je l’avoue, mais ainsi rapporte Roberto de ce siège dont je peux désormais m’attendre à tout.
    Les Français étaient proches, et l’on savait que Mazzarini s’employait à éviter le heurt, sur mandat du pape. Il passait d’une armée à l’autre, revenait conférer dans le couvent du père Emanuele, repartait à cheval pour porter des contre-propositions aux uns et aux autres. Roberto le voyait toujours et seulement de loin, couvert de poussière, prodigue avec tous de ses coups de chapeau. L’une et l’autre partie, en attendant, étaient immobiles, car la première à bouger eût été échec et mat. Roberto en arriva même à se demander si d’aventure l’armée de secours n’était pas une invention de ce jeune capitaine qui faisait rêver le même rêve aux assiégeants et aux assiégés.
    En fait, dès le mois de juin une réunion des électeurs impériaux se tenait à Ratisbonne, et la France y avait envoyé ses ambassadeurs, parmi lesquels le père Joseph. Et, tandis qu’ils se partageaient villes et régions, on était parvenu à une entente sur Casal dès le 13 octobre. Mazzarini l’avait su bien vite, comme dit le père Emanuele à Roberto : il s’agissait seulement d’en convaincre et ceux qui allaient arriver et ceux qui les attendaient. Des nouvelles, les Espagnols en avaient reçu plus d’une, mais chacune contredisait l’autre ; les Français en savaient aussi quelque chose, mais ils craignaient que Richelieu ne fût pas d’accord, et de fait il ne l’était pas, mais dès ces jours-là le futur cardinal Mazarin s’ingéniait à faire aller les choses à sa manière et dans le dos de celui qui deviendrait par la suite son protecteur.
    Il en allait ainsi quand, le 26 d’octobre, les deux armées se trouvèrent face à face. Au levant, sur le fil des collines, vers Frassineto, s’était disposée l’armée française ; devant, avec le fleuve à gauche, dans la plaine, entre les murailles et les collines, l’armée espagnole, que Toyras canonnait par-derrière.
    Une rangée de chariots ennemis était en train de sortir de la ville, Toyras avait réuni le peu de cavalerie qui lui était resté et l’avait lancée hors les murailles, pour les arrêter. Roberto avait imploré de prendre part à l’action, mais on ne le lui avait pas accordé. Maintenant il se sentait comme sur le pont d’un navire d’où il ne pouvait débarquer, à observer une grande étendue de mer et les reliefs d’une Île qui lui était refusée.
    Soudain on avait entendu tirer, peut-être les deux avant-gardes étaient-elles sur le point de se choquer : Toyras avait décidé la sortie, pour occuper sur deux fronts les hommes de Sa Majesté Catholique. Les troupes allaient passer les murailles, quand Roberto, du haut des bastions, vit un cavalier noir qui, sans se soucier des premières balles, galopait au milieu des deux armées, juste sur la ligne de feu, agitant un papier et criant, ainsi le rapportèrent plus tard les présents, « Paix, paix ! »
    C’était le capitaine Mazzarini. Au cours de ses derniers pèlerinages entre l’un et l’autre bord, il avait convaincu les Espagnols d’accepter les accords de Ratisbonne. La guerre était finie. Casal restait à Nevers, Français et Espagnols s’engageaient à quitter la ville. Tandis que les bataillons se défaisaient, Roberto sauta sur le fidèle Pagnufli et fila sur les

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