L'Impératrice indomptée
perspicacité de son regard. On ne peut mieux la définir qu’elle ne l’a fait dans son journal, au 14 septembre 1879, une date où, naturellement, l’avenir lui est tout à fait inconnu : « Elle est aimable et bonne, mais tout la tourmente. Ce qui, pour d’autres, est une source de joie, devient pour elle un sujet d’inquiétude. Elle me fait l’effet d’une enfant appartenant au monde des fées. À son berceau, beaucoup de fées vinrent lui offrir leurs dons : la beauté, la grâce, le charme, l’enjouement, la malice, le sens critique, l’intelligence. Vint la méchante fée qui dit : on t’a tout donné, tout, à ce que je vois. Eh bien, je tournerai ces qualités contre toi-même et tu n’en éprouveras aucun plaisir. Je ne te donne rien, mais je te priverai d’un grand bien dont on tient peu compte, mais qui, hélas, est si nécessaire à maintenir l’équilibre, l’harmonie des sentiments. Je te prends ce que l’homme porte en lui inconsciemment : la mesure. Rien ne sera une joie pour toi, tout se tournera contre toi. »
Mais dans ses faiblesses, ses défauts, son égocentrisme et ses lubies, elle garde toujours un panache, une classe qui la désignent comme l’impératrice. Jamais, elle ne se moque de quiconque ni ne médit bien qu’elle soit parfois trop prompte à traiter avec froideur, voire avec dédain, ceux dont, souvent à tort, elle se défie. Comme beaucoup d’individus, elle souffre un peu de la manie de la persécution. Mais, en toute circonstance publique, elle rayonne de beauté et de charme. Qu’elle s’asseye sur le trône aux côtés de l’empereur, qu’elle ploie le genou devant le Tout-Puissant, que le page lui porte sa traîne ou que, court vêtue, elle se promène au jardin, qu’elle monte à cheval, qu’elle boive son lait ou qu’elle plaisante, elle EST l’impératrice. Non par un formalisme inculqué, mais par une grâce divine et avec un charme infini.
Elle bouscule les convenances, refuse de se soumettre en permanence à l’immobilisme de la cour, cherche désespérément à atteindre les horizons de ses rêves, organise son existence comme un voyage perpétuel, toujours entre un départ et une arrivée. Et reste ainsi éternellement fascinante. Le duc de Saxe note dans ses souvenirs : « Je n’ai jamais vu quelqu’un qui produise un tel effet. Les gens restent bouche bée devant notre souveraine. Ils ont raison. » Lorsqu’elle paraît dans une robe violette brodée de feuilles de trèfles d’argent recouverte d’un manteau en dentelle argentée, les cheveux tressés et ornés de sept étoiles diamantées portant chacune au centre un rubis que François-Joseph lui a offert, elle éclipse tout le monde. Un attaché d’ambassade américain qui la croise écrit : « Elle est ravissante. Sa beauté, cette année, est encore plus parfaite. Au milieu du dîner, tout en bavardant de manière aimable, elle m’a dit, tout d’un coup : “Je suis terriblement maladroite” en rougissant d’une manière adorable. Elle venait de renverser un verre de punch et l’empereur, très galant, était venu immédiatement à son secours en remplissant lui-même un autre verre. L’impératrice, les joues très rouges, riait tandis que les convives observaient un silence absolu. Elle est merveilleusement faite. Son teint est de ce blanc mat qui semble si éclatant aux lumières. Ses yeux sont sombres et toute son expression particulièrement douce, avec même une nuance de timidité. Elle m’a parlé en anglais, qu’elle connaît très bien, d’une voix très basse. Quel dommage que je ne fasse pas partie des poètes romantiques ! Que de jolies comparaisons j’aurais pu faire, que de jolis sonnets j’aurais pu composer sur ces cils majestueux. »
Et pourtant, malgré le cours des années, l’impératrice n’utilise aucun artifice pour briller. Lorsqu’il lui faut absolument assister à une réception diplomatique, elle revêt une robe claire et unie, serrée jusqu’à la gorge, alors que toutes les autres femmes se parent de satins brillants, de broderies et de velours incrustés de jais. Aux cérémonies officielles, lorsqu’elle veut bien s’y montrer, où se distinguent les toilettes les plus élégantes, elle ne porte qu’une tenue simple et le plus sobre des chapeaux. Le futur empereur Guillaume II d’Allemagne lui est présenté pendant l’Exposition universelle de Vienne. Il écrira plus tard : « Comme fasciné, je regardais
Weitere Kostenlose Bücher