L'Impératrice indomptée
ce beau visage encadré de cheveux noirs. J’étais si impressionné qu’il fallut un avertissement de ma mère pour me rappeler que je devais baiser la main de cette grande dame. Elle souriait, pleine de bonté... J’étais médusé par cette apparition... L’impératrice ne s’asseyait pas, mais se posait majestueusement ; elle ne se levait pas, mais s’élevait ; elle ne marchait pas, mais elle s’avançait avec dignité. C’est ainsi que l’on peut le mieux qualifier le rythme qui ordonnait tous les mouvements de la souveraine... » Le 30 juin 1873, le shah de Perse arrive à Vienne. Lorsqu’il lui est présenté, il la regarde sans mot dire, la toise des pieds à la tête, fait le tour de sa personne sans s’inquiéter de François-Joseph interloqué. Il s’écrie enfin : « Dieu, qu’elle est belle !... » Il est enthousiasmé : « C’est la femme la plus adorable que j’ai jamais vue, dit-il en connaisseur. Quelle dignité ! Quel rire ! Quelle bonté ! Si je revenais, ce ne serait que pour la revoir, Elle !... » Lors d’une fête à Schönbrunn, on présente quelques douairières au monarque. Après la deuxième vieille dame, il se détourne et ordonne : « Merci, assez !... » Le jour de son départ, il fait réveiller la comtesse Festetics à quatre heures du matin, la prie de remercier l’impératrice et de lui dire que jamais son image ne s’évanouira de ses yeux.
Dans ses trajets et séjours, l’impératrice ne voyage jamais « léger » et ne passe pas inaperçue. Le séjour passé à Sassetot, en France, illustre bien ce que représentent un déplacement impérial et les occupations quotidiennes de la souveraine en voyage. Ainsi, en avril 1875, le médecin de la cour recommande à l’impératrice l’air de la mer pour sa fille Marie-Valérie, alors âgée de sept ans. Élisabeth décide donc de passer une partie de l’été sur la côte normande dont on lui a vanté le climat. On lui conseille le domaine du château de Sassetot-le-Mauconduit, tout proche d’une jolie plage appelée les Petites-Dalles. Ce n’est guère qu’un hameau de pêcheurs, près de Fécamp. Elle charge un de ses intendants, Carl Linger, d’aller visiter la propriété en vue de ce séjour estival. Ce dernier se met en rapport avec le propriétaire, un riche armateur du Havre, Albert Perquer, qui refuse catégoriquement de louer sa demeure, même contre une très forte somme. Cependant, lorsqu’il apprend le nom de son illustre hôte, toutes ses objections s’envolent, l’accord est conclu 3 et il promet de ne pas trahir l’incognito de la souveraine, qui voyagera sous le nom de comtesse de Hohenems. Mais, en dépit de sa discrétion, la nouvelle se répand bientôt, mettant en émoi les braves gens du pays et tous les baigneurs de la côte, de Dieppe à Étretat.
Début juillet, un train spécial en provenance de Vienne arrive en gare de Fécamp, chargé d’innombrables caisses 4 et bagages. Les curieux, sans cesse aux aguets, en voient descendre une jeune femme aux grands airs qu’il prenne tout d’abord pour l’impératrice, accompagnée d’un majordome. C’est la dame d’atour, chargée de préparer le séjour de l’impératrice. Tout le mois de juillet est consacré à l’installation des appartements suivant les habitudes et les goûts de la souveraine. Une nuée de tapissiers, de peintres, de décorateurs, réquisitionnés à Dieppe et au Havre, s’abat sur le château pour aménager les pièces dévolues à Élisabeth, sa fille et sa suite 5 . Les grands appartements du rez-de-chaussée sont organisés pour son usage particulier, à l’exception de la salle de billard transformée en salon de réception. Le premier étage est réservé à la jeune archiduchesse Marie-Valérie et à ses gouvernantes. Le premier intendant de la cour, le baron Nopcsa, doit occuper une des ailes du château ; les subalternes s’entassent dans les combles ; si grand que soit Sassetot, il n’a pas été construit pour servir de résidence impériale. Tout ce petit monde travaille fiévreusement jour et nuit pour que tout soit prêt à la date fixée par Sa Majesté...
L’impératrice arrive à la gare de Fécamp au matin du 31 juillet 1875 par un train spécial, venu directement de Vienne. C’est un samedi, transformé en un jour férié pour tous les gens des alentours, occasion exceptionnelle oblige ! Élisabeth est accueillie dans la modeste gare par les officiels
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