L'Impératrice indomptée
manque de se tuer à cheval. L’accident a lieu dans le parc du château, sur une piste d’entraînement, lors d’un saut d’obstacles. Un jour, elle a la fantaisie de prendre la piste à l’envers. Dérouté par ce changement de parcours, le cheval touche le premier obstacle appelé « le mur », qui est habituellement le dernier, et se cabre. L’impératrice est désarçonnée et sa tête heurte violemment la base d’un chêne. Elle perd connaissance. Son médecin personnel, le docteur Widerhofer, constate qu’elle n’a aucune fracture, seulement un gros hématome au front. Lorsque Sissi retrouve ses esprits, elle ne se souvient de rien. Le médecin, qui craint une commotion cérébrale, menace de faire couper son admirable chevelure si les maux de tête persistent. Mais elle se remet vite et l’imprudente cavalière en est quitte pour quelques jours de repos.
L’empereur est prévenu par télégramme et il envisage un moment de venir en France. Le bruit va courir qu’il y est effectivement venu. Ce fait paraît plus qu’improbable, ou alors il se déroula dans un très strict incognito. L’impératrice n’est point affectée par une chute qui aurait pu être fatale : le lendemain de l’accident, elle écrit à l’empereur pour le rassurer, ajoutant qu’elle se réjouit de retourner à Gödöllö pour y trouver ses autres chevaux ! Lorsqu’elle reprendra quelques semaines plus tard ses acrobaties équestres, elle répondra à la comtesse Festetics qui lui exprimait ses inquiétudes : « ... Tout ce qui arrive est ordonné par Dieu... Vous voudriez que je n’aille plus à cheval ? Que je le fasse ou non, je mourrai ainsi que Dieu l’aura décidé... »
Comme elle ne peut reprendre ses promenades à cheval et que les longues marches lui sont encore interdites, elle passe presque toutes ses journées en mer, à bord d’un petit yacht à vapeur, gracieusement mis à sa disposition. Celui-ci lui permet d’entreprendre des excursions le long de la côte, de Dieppe au Havre. Le yacht est placé sous les ordres de Pierre-Alexandre Poret, pilote à Fécamp. Un jour, se sachant bonne nageuse, elle se baigne imprudemment par marée descendante, veut ignorer les courants dangereux qui bordent la lande et manque de se noyer. Entraînée par les flots, elle ne doit son salut qu’à l’intervention de Poret qui se précipite avec son canot. En remerciement, elle lui offre une montre en or et décide de prendre en charge les études du plus doué de ses douze enfants : Alexandre-Georges. Grâce aux sommes qu’elle fera parvenir à la famille, le jeune garçon pourra accomplir des études poussées 7 .
Pendant ce temps, la petite Marie-Valérie occupe ses journées à jouer dans le parc du château, entourée de ses gouvernantes. Les confiseurs lui confectionnent quotidiennement des bonbons enveloppés dans des papiers décorés des portraits de l’empereur et de l’impératrice. Les poches pleines, elle les distribue avec plaisir aux enfants du village.
Cependant, l’automne s’installe peu à peu, avec son cortège de brumes ; la mer devient mauvaise et les grands arbres du parc craquent sous les rafales des tempêtes d’équinoxe. Malgré le plaisir qu’elle éprouve à contempler cette nature devenant farouche, Élisabeth songe à la santé de sa fille que ce climat devenu humide et froid peut menacer. Elle décide donc de programmer son départ pour la fin du mois. Le 30 septembre, elle quitte Sassetot. Elle reprend le train impérial à Fécamp, en gare depuis le 24. Comme à son arrivée, une foule nombreuse et enthousiaste vient la saluer. Elle distribue de généreux « pourboires » et laissera dans la région un très bon souvenir. À la curiosité du début, se mêle désormais de la reconnaissance, car certains habitants se montreront fiers de déclarer : « Elle m’a parlé ! »
1 - Au début, cette jeune Viennoise ne venait que pour relever les beaux cheveux que l’impératrice portait nattés autour de la tête comme une couronne ; mais peu à peu, Fanny Angerer devint la plus intime confidente de la princesse solitaire. Celle-ci avait besoin de quelqu’un à qui raconter aussi bien ses petits soucis que des secrets plus importants. Auprès de Fanny, Élisabeth était sûre qu’aucun de ses propos ne parviendrait aux oreilles des espions du palais. Car dès cette époque, l’impératrice était gardée par toute une armée de policiers secrets qui
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