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L’impératrice lève le masque

L’impératrice lève le masque

Titel: L’impératrice lève le masque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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visages anguleux et tannés par l’air de la mer ont également fait leur apparition. Ils ont pris place près de la porte, allumé de drôles de brûle-gueules, et ils tiennent maintenant des dominos dans ces mains qui tiraient encore de lourds filets quelques heures auparavant.
    L’assiette d’Ennemoser est presque vide. Il est repu et peut désormais se consacrer au véritable objectif de cette rencontre, à savoir répondre à ses questions. « C’est un homme sûr de lui », pense Élisabeth. Ce manque total d’égards – elle est quand même comtesse ! – lui en impose. Elle est presque désolée de ne pouvoir lui dire qui elle est.
    — Vous vouliez me voir à propos des crimes sur l’ Archiduc Sigmund ?
    Il parle assez fort pour qu’elle l’entende, mais assez bas pour que même les tables voisines ne puissent pas comprendre.
    — J’ai de bonnes raisons, commence-t-elle de manière un peu sèche parce qu’elle ne sait pas quel ton adopter, de chercher à obtenir quelques informations supplémentaires au sujet de cette affaire.
    — Et si j’ai bien compris… remarque-t-il avec un petit sourire, il existe à un certain niveau un réel intérêt pour ces questions.
    — Vous avez parfaitement compris.
    « Comme il s’exprime ! songe-t-elle. On dirait un diplomate. Les imprimeurs lisent beaucoup, cela se sent. » Certes, elle a entendu dire que ces milieux ne sont pas toujours très favorables à l’armée et à la famille impériale, mais après six ans de mariage avec François-Joseph, elle ne saurait tout à fait leur donner tort.
    — Selon la version officielle, la jeune femme a été tuée par balles, poursuit-elle, mais votre fiancée a laissé entendre qu’elle est décédée d’une tout autre manière.
    Élisabeth adresse à sa femme de chambre un sourire complice.
    Ennemoser approuve d’un hochement de tête.
    — Elle a été attachée, puis étranglée. En outre, il y a des morsures sur le buste.
    — D’où tenez-vous cela ?
    — D’un sergent qui était sur les lieux.
    — J’ai cru comprendre que votre colonel s’est querellé avec le commissaire chargé de l’enquête. Votre sergent a-t-il rapporté quelque chose à ce sujet ?
    — Il m’a simplement raconté qu’au départ, le commissaire ne voulait pas lâcher l’affaire.
    — C’est tout ce que vous savez sur ces crimes ?
    Ennemoser réfléchit un moment. Il retrousse les lèvres et sa bouche prend encore plus qu’avant la forme d’un cœur. Puis il reprend :
    — Peut-être y aurait-il encore autre chose. Je ne sais pas si cela a à voir avec l’affaire de la Lloyd, mais ce n’est pas exclu. Lundi, le colonel a reçu de la visite. Un homme s’est présenté à son logement vers neuf heures.
    — L’avez-vous vu ?
    — Non. Le colonel a ouvert en personne et l’a aussitôt mené au salon. Il devait l’attendre.
    — Vous n’avez pas fait le service ?
    — Les verres et les boissons étaient déjà prêts. Après coup, j’ai eu le sentiment que le colonel voulait éviter que je voie son hôte.
    — Et pourquoi cette rencontre pourrait-elle avoir un rapport avec ce qui s’est passé sur le paquebot ?
    — Parce que j’ai par hasard entendu une partie de la conversation. J’étais dans la cuisine et je suis allé dans l’entrée pour chercher un manteau taché que je devais nettoyer.
    — De quoi parlaient-ils ?
    — De papiers qui avaient disparu dans la cabine du conseiller. Le colonel accusait l’inconnu de les avoir en sa possession.
    — Ils parlaient en allemand ?
    — Oui.
    — Et qu’est-ce que l’autre a dit ?
    — Il a ri. Alors, le colonel a hurlé qu’il pouvait l’envoyer au gibet quand il le voulait.
    — Qu’a-t-il répondu à cela ?
    — Qu’il veillerait à ce que les papiers atterrissent auparavant sur le bureau de Toggenburg. Puis il a ricané de nouveau et j’ai entendu des pas dans le salon. Je suis donc retourné à la cuisine. Quelques minutes plus tard, la porte de l’immeuble s’est ouverte. J’ai regardé par la fenêtre, mais je ne voyais l’homme que d’en haut – l’appartement du colonel est au deuxième étage.
    — Vous ne pouvez donc pas le décrire ?
    — Je peux juste vous dire qu’il est grand et qu’il était vêtu d’une cape noire. Comme un prêtre.
    — Et ils se tutoyaient ?
    — Oui.
    À ce moment-là, elle remarque qu’Ennemoser, qui peut observer toute la salle de l’angle où il est assis, dos au mur, ne fait plus attention à leur

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