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L’impératrice lève le masque

L’impératrice lève le masque

Titel: L’impératrice lève le masque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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l’adresse indiquée. Pour voir d’un peu plus près ce qu’il y a dans cet appartement.
    — Vous voulez dire fouiller ?
    — Oui, et même de fond en comble. Accompagnez Spadeni lors de la perquisition.
    — Et si nous trouvons le carnet en question ?
    — Alors rapportez-le.
    — Mais Spadeni pourrait refuser de me le confier ?
    Spaur écarta l’objection du commissaire d’un geste de la main.
    — Non, c’est exclu. Il me doit un petit service. Prenez le bateau de ce soir. Comme cela, vous serez de retour dès demain. Quand a donc lieu ce bal masqué dont tout le monde parle ?
    — Dimanche soir.
    — Eh bien, c’est parfait ! s’exclama le commandant.
    — Ce soir, c’est l’ Archiduc Sigmund qui part de Venise, signala Haslinger. Et demain, nous prendrons le Princesse Gisèle .
    Il jeta au commissaire un regard rayonnant. Son oncle se tourna vers lui, surpris.
    — « Nous » ? Tu veux l’accompagner ?
    — J’ai une petite chose à régler à Trieste. Je pensais que tu le savais…
    — Non, je ne savais pas. Mais tant mieux. Vous pourrez voyager ensemble !
    Il se frotta les mains et leur jeta un regard paternel. La perspective de lire le carnet de Moosbrugger semblait le mettre d’excellente humeur.
    — Allez acheter un billet au Lloyd, Tron… Mettez-le sur mon compte, ajouta-t-il, grand prince.
    — Merci, baron.
    — Ah oui ! Une dernière chose…
    Le commandant de police sortit de son tiroir une feuille qu’il survola en fronçant les sourcils.
    — Toggenburg me fait savoir que suite au projet d’attentat, il y aura ces jours-ci toute une série de razzias. Un peu partout. Ils démarrent ce soir. Je vous dis cela pour que vous soyez au courant.
    — Devons-nous intervenir ? se renseigna Tron.
    — Non, c’est l’affaire de l’armée. Les chasseurs croates s’en occupent.
    — Et par où commencent-ils ?
    — Pas chez vous. À Dorsoduro. Ils attaquent par les petits restaurants et les habitations autour du campo Santa Margherita.

31
    Sissi s’est arrêtée un peu hors d’haleine parce qu’elle n’a pas l’habitude de marcher dans la neige épaisse. Elle porte de grossières chaussures à semelles renforcées, un manteau en laine marron appartenant à Mme Königsegg et une longue robe qui traîne par terre de sorte que l’ourlet commence à prendre l’humidité.
    — Combien de temps encore ? demande-t-elle.
    Cet après-midi, la neige s’est remise à tomber à gros flocons poussés dans tous les sens par les rafales, mais elle a soudain cessé il y a une bonne demi-heure, juste avant que l’impératrice ne quitte le palais royal en compagnie de Mlle Wastl et des Königsegg. Le vent est retombé, et par moments, la couche de nuages s’ouvre et laisse entrevoir une lune blafarde qui flotte au-dessus des toits.
    De l’autre côté du Grand Canal, Élisabeth se sent perdue : il y a trop de calli et de salizade 1 qui se croisent et se divisent, trop de campielli 2 qui se ressemblent sous la chape de neige encore presque intacte. Au début, elle appréciait ce léger vertige (ce sentiment qu’éprouvent les enfants et même les adultes dans un labyrinthe), mais ensuite, ses pieds ont commencé à lui faire mal et une envie soudaine de chocolat chaud a envahi son esprit.
    — La prochaine à gauche, et ensuite, nous sommes arrivés, la rassure Mlle Wastl.
    Conformément aux instructions, elle a renoncé à « Son Altesse Sérénissime ». De façon générale, elle s’est d’ailleurs montrée tout à fait coopérative. Sa timidité a disparu – ce qu’Élisabeth s’explique par le fait qu’elle ne ressemble plus à Sissi.
    Au palais royal, elle a passé beaucoup de temps devant le miroir, et si le motif du déguisement n’avait pas été aussi sérieux, elle y aurait pris beaucoup de plaisir. Les chaussures communes et le manteau paysan ont renforcé l’effet de ses joues de hamster. La comtesse Hohenembs ressemble maintenant à une cuisinière, si bien qu’il est tout à fait improbable qu’Ennemoser la reconnaisse.
    Pour se réhabituer à parler avec la ouate dans la bouche, Élisabeth a entamé une petite conversation avec sa femme de chambre. À cette occasion, elle a appris que son fiancé est imprimeur. Comme elle, il est originaire du premier arrondissement de Vienne. Il a été incorporé il y a un an et choisi comme ordonnance de Pergen parce qu’il parle un peu l’italien.
    Il n’a pas été facile de convaincre les Königsegg à prendre part à ce projet.

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