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L’impératrice lève le masque

L’impératrice lève le masque

Titel: L’impératrice lève le masque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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discussion. Elle s’apprête à ajouter quelque chose, mais il pose une main sur son avant-bras. Aux autres tables, les conversations deviennent hésitantes, puis s’interrompent. Élisabeth se retourne discrètement : le gondolier est monté sur une chaise et tend le bras.
    Si ses traits marquants ne faisaient pas aussi vénitiens, elle aurait deviné plus vite ce qui se passait. Mais là, elle s’imagine pendant quelques instants qu’il va annoncer un événement important qui concerne le voisinage, un mariage ou un décès. Il a ôté son chapeau de paille muni de l’amusant ruban et découvert ainsi une coupe militaire. Ennemoser n’a pas besoin de traduire ce qu’il dit avec un terrible accent autrichien. Dès qu’il a fini, une douzaine de soldats se précipitent à l’intérieur de l’auberge. Ils bloquent les deux entrées, à l’avant et à l’arrière. Une trentaine de personnes sont prises au piège.
    Prise au piège. C’est la première chose qui traverse l’esprit de Sissi. La deuxième, c’est le laissez-passer qu’elle a signé elle-même, il y a deux heures, au palais royal. La troisième, c’est la vision étonnamment précise, affreusement claire du même laissez-passer plié avec soin sur le secrétaire. Il y est toujours. Élisabeth a oublié de l’emporter !
    1 - Pluriel de salizada (ou salizzada ). Rue pavée. ( N.d.T. )

    2 - Pluriel de campiello . Petite place. ( N.d.T. )

32
    Le sergent Semmelweis adorait les razzias parce qu’elles lui rappelaient son vrai métier. Le groupe, qui comprenait trois douzaines de soldats, quatre sous-officiers et deux sous-lieutenants, s’était mis en route à neuf heures pile. C’était la deuxième auberge sur l’ordre de mission, et jusqu’à présent, tout se déroulait pour le mieux.
    Déguisé comme d’habitude en gondolier, le sergent Hackl, un camarade originaire de Matrei, dans le sud du Tyrol, avait fait son annonce et une douzaine d’hommes s’étaient précipités dans la salle tandis que le reste bloquait les issues. Ils avaient fait sortir deux touristes anglais et deux locaux sans papiers qu’on allait conduire au point de rassemblement, un bâtiment en briques au milieu de la grande place sur laquelle donnait la trattoria .
    Semmelweis en était à l’avant-dernière table et il espérait que le client n’allait pas causer de difficultés bien que ce fût mal parti. L’individu, un homme d’une cinquantaine d’années, lui avait présenté d’un air arrogant un laissez-passer du palais royal établi au nom de comte Königsegg, intendant en chef de Sa Majesté. Le sergent Semmelweis s’était demandé si l’autre ne le prenait pas pour un imbécile. Il ne fallait pas être grand clerc pour se rendre compte qu’il y avait anguille sous roche.
    L’homme avait une redingote élimée et un gilet plein de taches ; son col et ses manchettes donnaient l’impression qu’il portait la même chemise depuis plusieurs jours. Son visage était rouge et boursouflé, il transpirait si fort que la sueur lui perlait au front et lui coulait sur les tempes. En outre, il n’était plus très clair, ce qui n’était pas étonnant vu qu’il avait éclusé à lui tout seul une bouteille de vin blanc et une demi-bouteille de grappa.
    Une femme était assise à côté de lui, style petite souris qui tripotait nerveusement sa fourchette. Elle n’avait pas touché à son assiette, ce que Semmelweis trouvait impardonnable car le poisson (c’est de la sole, non ?) avait l’air très appétissant. Par prudence, il avait fait un pas en arrière avant de répéter sa phrase. L’individu ne semblait pas du genre à sortir un couteau, mais on ne sait jamais.
    — Veuillez vous lever et vider vos poches, ordonna-t-il à l’homme qui prétendait être l’intendant en chef de Sa Majesté.
    Il s’était efforcé de prendre un ton aussi courtois qu’il l’aurait fait dans une situation similaire lorsqu’il était encore dans le civil. Puis il attendit la réaction. Semmelweis classait les gens auxquels il avait affaire dans l’exercice de ses fonctions en trois catégories : les contrits, les impertinents et les violents. Celui-ci, estima-t-il (et il se trompait rarement !), devait faire partie du deuxième groupe : ceux qui inventent des histoires à dormir debout et exigent de parler au supérieur.
    Ça ne manqua pas. L’interpellé échangea un regard avec la petite souris qui l’encouragea d’un mouvement de tête. Puis il

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