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L’impératrice lève le masque

L’impératrice lève le masque

Titel: L’impératrice lève le masque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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regard amusé :
    — Je croyais que vous le teniez pour innocent, commissaire !
    — Ce ne serait pas la première fois que je me trompe.
    Il but quelques gouttes.
    — Une seule chose est sûre. C’est que si cette liste existe, elle contient le nom du meurtrier.
     
    Après coup, Haslinger dirait qu’il n’avait pu s’empêcher de penser à un animal de la jungle bondissant hors du feuillage. De fait, Tommaseo marchait avec lenteur quand il les aperçut à travers les hauts palmiers disposés entre les tables du salon et se jeta sur eux à grandes enjambées. Ses yeux gris passèrent avec mépris sur le seau à champagne. Il était vêtu d’un habit de moine en drap anthracite, noué à la taille par une corde. Sur sa poitrine, une simple croix pendait au bout d’une chaîne. On aurait dit un acteur déguisé en homme d’Église.
    — Mon lieutenant ! dit-il en saluant Haslinger.
    Le commissaire fut étonné qu’ils se connaissent. Le prêtre se tourna alors vers lui : — C’est affreux, ce qui est arrivé à Moosbrugger. Êtes-vous en charge de l’affaire ?
    Tout à coup, il parlait allemand.
    — Le personnel du Lloyd relève de la police militaire, répondit Tron sans rien laisser voir de sa surprise. Nous leur avons cédé le dossier. Mais comment savez-vous que Moosbrugger a été assassiné ?
    — Le père Ignazio de San Stefano m’a mis au courant. Y a-t-il déjà un suspect ?
    — Non, pas encore.
    Tommaseo balançait la tête d’un air songeur.
    — Vous souvenez-vous de notre conversation au presbytère ?
    Il fit un sourire froid, à peine perceptible, sans que ses yeux ne perdent rien de leur dureté.
    — Oui, bien sûr !
    — Je vous ai parlé du péché et je vous ai dit que personne ne pouvait échapper à la vengeance divine.
    Il fixait Tron d’un regard sombre.
    — Eh bien, le Seigneur a rendu justice plus vite que nous ne nous y attendions.
    — Vous voulez dire que l’assassin de Moosbrugger était…
    Comment avait-il dit déjà ?
    — … l’instrument de Dieu ?
    — Oui, il a accompli la volonté du Seigneur, confirma Tommaseo avec une grimace.
    — Cela implique-t-il à nouveau que Dieu tende sa main protectrice au-dessus de son instrument ?
    Le regard du prêtre devint alors méfiant.
    — Les voies du Seigneur sont impénétrables. La seule chose que je sache, c’est que nous avancerons à tâtons jusqu’au retour du Rédempteur. D’ici là, nous ne voyons que per speculum in enigmate .
    Il s’interrompit et ses lèvres esquissèrent un rictus morose. Puis il fit demi-tour et quitta le salon.
    Haslinger fronça les sourcils.
    — Qu’entend-il par là ? Per speculum in enigmate ? Par un miroir dans l’obscurité ?
    — Qu’un criminel peut rester introuvable. Du moins en ce bas monde. Voilà ce qu’il voulait dire. Mais comment le connaissez-vous ?
    — Tommaseo est un ancien officier de l’armée autrichienne. Nous étions dans le même bataillon à Peschiera au milieu des années 1840. Il a donné sa démission en 1850.
    — L’avez-vous beaucoup fréquenté ?
    — Rien que sur le plan professionnel. Sinon nous ne nous parlions presque jamais.
    — Je pensais qu’il était vénitien.
    — Son père était capitaine de cavalerie dans l’armée autrichienne et sa mère italienne. Il a été conçu hors mariage. Plus tard, son père a voulu officialiser la relation et le reconnaître, mais Tommaseo a refusé. Il a gardé le nom maternel.
    — J’étais stupéfait de l’entendre parler allemand, avoua Tron.
    — Il est parfaitement bilingue. Mais il déteste cette langue autant que son père.
    — Que pensez-vous de lui ? voulut savoir Tron.
    — À quel point de vue ?
    — Tous ces discours sur la justice divine, n’est-ce pas grotesque ? Et l’allusion au fait que le crime ne sera jamais élucidé ? Je me demande s’il a dit tout ce qu’il sait…
    — Pourquoi devrait-il couvrir l’assassin de Moosbrugger ?
    — Parce qu’il le tient pour un instrument dans les mains du Seigneur. Quelle impression vous faisait-il à l’époque ? À l’armée ?
    L’ingénieur se tut un moment, puis il répondit :
    — Le sous-lieutenant Tommaseo n’était guère apprécié. Il se tenait toujours à l’écart, ne buvait pas, ne jouait pas. Je crois qu’il haïssait l’armée. Mais cela ne veut rien dire. C’est le cas de beaucoup de gens.
    — De beaucoup d’Italiens en tout cas, confirma Tron.
    — Et de beaucoup d’Autrichiens, ajouta l’autre.
    — Pourquoi

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