L'inconnu de l'Élysée
du mois de janvier 1995 !
– Ça, c'est certain. Le brave Santini disait : « Chirac, à force de baisser dans les sondages, il va finir par trouver du pétrole ! » Et c'était vrai. On était alors en janvier.
– Donc, vous attendrez jusqu'à la fin février pour vous prononcer ?
– Je considère qu'il faut respecter le temps de la démocratie. J'ai une tâche à conduire, et je l'assumerai jusqu'au bout. Personne ne peut dire aujourd'hui comment les choses se présenteront dans les prochaines semaines au regard de l'intérêt du pays. Je prendrai ma décision en conscience, et je la ferai connaître aux Français.
– Souhaitez-vous aborder des questions que nous n'avons pas – ou que nous n'avons que peu – abordées ?
– Il faut mesurer la chance que l'on a de vivre dans une démocratie. Rien n'est acquis. Cela impose notamment une fermeté de roc à l'égard des extrémismes, quels qu'ils soient. Il faut aussi faire évoluer notre vision du monde, qui doit être plus équilibrée que la vision actuelle, c'est-à-dire fondée sur un respect profond de l'ensemble de l'humanité.
– Vous revenez toujours à votre vision basée sur le dialogue des cultures. Une vision qui n'est pas partagée par beaucoup, qui n'est plus si évidente.
– C'est vrai qu'elle n'est pas évidente, mais je constate tout de même qu'elle progresse. Exemple : j'ai été tout à fait impressionné par les réactions positives que j'ai enregistrées lorsque a été ouvert le musée du Quai Branly, qui est un témoignage du respect que l'on doit montrer pour la culture des autres…
– Et qui marche formidablement bien…
– Et qui marche bien. Ce n'était pas évident. Beaucoup avaient considéré cette initiative comme une erreur. Je l'ai imposée contre l'avis de gens par ailleurs compétents, distingués à tous égards. L'idée que tous les chefs-d'œuvre naissent libres et égaux s'est petit à petit répandue. Cela a eu un fort impact, notamment auprès des chefs d'État étrangers. Beaucoup se sont déplacés, bien plus que pour voir un musée : pour comprendre pourquoi la France avait porté cette idée.
– Ce musée pourra être considéré comme votre testament, car de lui on peut remonter aisément à votre vision du monde…
– Il y a du vrai.
– Bien plus que comme un musée, on le retiendra comme quelque chose d'essentiel pour vous comprendre et pour comprendre la France des débuts du xxi e siècle.
– En tout cas, c'est le geste culturel européen qui a le plus impressionné un grand nombre de chefs d'État non occidentaux… Au fond, quand on voit ce qui se passe – l'intégrisme, le terrorisme… –, on mesure combien cela appelle une réponse fondée sur davantage de fermeté, mais aussi de respect. Il y a une culture du respect qui doit s'enraciner. Apprendre à respecter les hommes, tous les hommes, est la première des qualités humaines.
– Est-ce qu'aujourd'hui encore vous avez peur de Le Pen ?
– Oui, il faut encore et toujours combattre M. Le Pen ou ses réincarnations. Il y a là un profond danger, car on joue avec les instincts humains les plus bas. L'extrémisme doit être systématiquement combattu parce qu'il est porteur d'immenses périls. Et ce n'est pas parce que Le Pen disparaîtra que le danger disparaîtra avec lui. »
Les mesures prises depuis 2002 ont économisé 10 000 vies et 100 000 blessés.
2 Avec près d'un million et demi de fumeurs en moins, et l'interdiction de fumer dans les lieux publics.
3 Jacques Chirac a été le premier haut responsable politique occidental à se saisir de cette question (aux côtés de Line Renaud), dès le milieu des années 80.
4 Une analyse distanciée devrait d'abord souligner que le chef de l'État a pris dans les deux cas le risque de donner la parole au peuple.
5 Alain Juppé, France, mon pays. Lettres d'un voyageur , Robert Laffont, 2006.
6 Roselyne Bachelot, Le combat est une fête , Robert Laffont, 2006.
7 Notamment La Guerre des trois , op. cit.
annexe
allocution de m. jacques chirac
président de la république
à l'occasion de la cérémonie nationale
en l'honneur des justes de france
Panthéon – Paris
Jeudi 18 janvier 2007
Monsieur le Premier ministre, Monsieur le président du Sénat, Monsieur le président de l'Assemblée nationale, Mesdames et messieurs les ministres, Messieurs les Premiers ministres, Mesdames et messieurs les parlementaires, Madame la présidente de la Fondation
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