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L'inconnu de l'Élysée

L'inconnu de l'Élysée

Titel: L'inconnu de l'Élysée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Péan
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l'inscrire à Math sup au lycée Louis le Grand. Durant l'été 1950, son bac en poche, attendant d'intégrer cette classe de préparation à Polytechnique, il se fait pilotin sur un vraquier de 5 000 tonnes.
    « C'est l'époque où j'avais envie d'être libre. Je m'étais dit : il faut naviguer, aller là où il y a de l'espace…
    – Ce besoin de liberté, c'était par rapport à vos parents… ? »
    Le président botte en touche sitôt qu'il est question de ses géniteurs :
    « Je vais vous montrer ma première feuille de paie comme pilotin… Je m'étais dit : il faut faire quelque chose, ne pas rester inerte, indéfiniment, après le bachot. Alors je suis parti en douce pour Rouen…
    – En douce ?
    – Oui. Je n'ai pas avisé ma famille. Je n'ai prévenu que le lendemain. Je ne peux pas dire que j'aie été félicité… »
    Le copain d'enfance évoqué au chapitre précédent, Michel Basset, fils de la meilleure amie de sa mère, prétend 5 que ce départ aurait été organisé d'un bout à l'autre par le père de Jacques Chirac, qui était un ami du président de l'Union industrielle et maritime.
    Laissons la parole à l'intéressé.
    « Je suis parti pour Rouen. J'ai fait les démarches pour être inscrit maritime afin de pouvoir monter sur un bateau. Je suis devenu inscrit maritime. Puis je suis allé au Havre chercher de l'embauche, et là j'ai trouvé un bateau qui s'appelait Le Capitaine Saint-Martin , qui appartenait à l'Union industrielle et maritime, alors présidée par un homme éminent nommé Henri Cangardel. J'ai appris plus tard que mon père le connaissait très bien. Je me suis embarqué sur ce bateau qui était un vraquier de 5 000 tonnes en partance pour Alger où il transportait du charbon, puis se rendait ensuite à Melilla pour charger la pire cochonnerie qu'on puisse imaginer au monde : du minerai de fer. Je dis cochonnerie parce que ce minerai présente beaucoup d'inconvénients. D'abord c'est lourd, donc le point de sustentation du bateau est très bas et dès qu'il prend de la gîte, il la garde indéfiniment. En second lieu, ça génère une poudre rouge qui pénètre partout et qu'il est très difficile d'enlever. Il faut au moins huit jours pour se nettoyer complètement. Notamment les cils, les cheveux…
    « Avant de monter à bord, je m'étais dit : “Un marin, ça doit fumer la pipe.” Je me suis donc acheté une pipe, et comme je n'avais pas d'argent, je me suis acheté une pipe tout ce qu'il y a d'ordinaire et un paquet de “gros cul” – ça s'appelait comme ça. Puis me voici monté sur mon bateau. On faisait les trois huit, on pratiquait ce qu'on appelle la “couchette chaude”, c'est-à-dire qu'on n'avait qu'une couchette pour trois, sauf le bosco [capitaine], naturellement, qui avait sa couchette à lui dans sa petite cabine. Le bosco était un personnage extraordinaire qui avait exercé pendant des années dans la marine marchande et avait franchi je ne sais combien de fois le cap de Bonne-Espérance. C'était un vrai marin. Il me voit arriver. J'allume ma pipe. Évidemment, je n'avais pas vogué deux heures dans le golfe de Gascogne, la pipe et le “gros cul” aidant, que j'ai eu un sacré mal de mer. Il m'a dit de venir dans sa cabine ; il a sorti de sous sa couchette trois boîtes de sardines à l'huile et m'a dit : “Il y a deux choses à faire contre le mal de mer. Primo, tu vas me jeter cette pipe ! Ça n'a aucun intérêt, ça ne fera pas de toi un marin, mais ça fera de toi à coup sûr un malade. Secundo, le seul moyen de lutter contre le mal de mer, c'est les sardines à l'huile, parce que ça cale l'estomac…” J'ai mangé ses sardines à l'huile et ça a été radical. J'ai toujours fait ça depuis : c'est d'une efficacité parfaite.
    « J'avais alors 17 ans. Autre point fort de ce voyage, pendant les deux jours de déchargement à Alger, ce merveilleux bosco me demanda : “Est-ce que tu es puceau ?” J'ai répondu oui. “Écoute, il faut soigner ça, je vais t'aider à régler ce problème.” Il m'a alors emmené dans la Casbah…
    « Ce bosco était étonnant, il souffrait d'hémorroïdes et, de ce fait, n'était pas toujours de bonne humeur. Il se campait sur la dunette et commandait à la voix. Quand on arrivait au Havre, il clamait d'une voix de stentor : “Hop là ! Holà ! Ça va aller” – et on allait généralement taper contre le quai…
    « Un jour, je vois une haute silhouette se dessiner sur le

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