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L'inconnu de l'Élysée

L'inconnu de l'Élysée

Titel: L'inconnu de l'Élysée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Péan
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quai et je me dis : “Voilà les emmerdements qui commencent.” C'était mon père qui me dit : “Allez, assez rigolé. On rentre !” Ç'a été rude, mais il n'y avait pas place pour la discussion. Donc, retour sur Paris en ayant miraculeusement évité le coup de pied aux fesses. [Long silence.]
    – Vous avez toujours éprouvé ce besoin d'espace ?
    – Ah oui, j'aime bien l'espace !
    – Votre passion pour l'art a donc été une façon de voyager dans le temps et dans l'espace…
    – C'est vrai… »
    Sur le chemin du retour, Jacques Chirac informe son père qu'il souhaiterait arrêter ses études et devenir capitaine au long cours, mais il se plie à l'injonction paternelle de préparer Math sup tout en traduisant Pouchkine, en dévorant des livres consacrés à l'Asie, en visitant les musées, les antiquaires, en s'emballant pour les idées de gauche, toutes attitudes qui n'emballaient pas, elles, tant s'en faut, le directeur de la société Potez.
    « Au départ, quand j'étais jeune, j'étais plutôt porté vers la gauche. J'étais même plutôt attiré par le communisme. Contrairement à ce qui a été dit, je n'ai jamais adhéré au parti communiste, mais je me rendais régulièrement aux réunions qu'organisait la section communiste du VI e arrondissement, tout près de la place Saint-Sulpice… J'étais là en observateur, je n'ai jamais adhéré. La seule action militante que j'aie faite a consisté à vendre quelque temps L'Humanité-Dimanche sur la place Saint-Sulpice, juste devant l'église, là où je me suis illustré ensuite à faire signer l'Appel de Stockholm. On nous faisait crier : “Demandez, lisez L'Humanité-Dimanche , l'organe du Parti communiste français !” Puis j'ai mal supporté les contraintes : on nous serinait ce qu'il fallait penser sur tous les sujets, ça n'a donc pas duré et j'ai pris mes distances… C'était à la fin du lycée. Je m'étais laissé tenter par des idées généreuses… »
    Jacques Chirac n'entre pas à Polytechnique, mais à Sciences-Po. Ses parents en sont finalement satisfaits, d'autant plus qu'il fréquente une jeune fille bien sous tous rapports, Bernadette Chodron de Courcel. Il devient l'ami de Michel Rocard qui l'entraîne à des réunions du Centre d'études politiques et sociales (dans la mouvance SFIO), créé par lui.
    « J'étais alors très ami avec Rocard qui m'a dit : “Viens donc au Parti socialiste.” Je n'y ai non plus jamais adhéré. »
    Dans une interview accordée en 1972 6 , il a précisé : « J'ai flirté avec les socialistes… Je les trouvais trop conservateurs, trop à droite. Je n'y suis resté que quelques mois, puis je suis parti. Il n'y avait alors ni PSU, ni maoïstes, ni gauchistes. Alors je suis allé voir pendant quelques mois ce qui se passait du côté du PC, mais je n'ai jamais milité dans leurs rangs. »
    À la fin de la première année de Sciences-Po, au cours des grandes vacances de 1953, il fait un nouveau pied de nez à ses parents : on l'a vu, ébloui par la belle Florence et sa Cadillac convertible, il se fiance aux États-Unis, alors qu'il est déjà engagé auprès de Bernadette, et, par courrier, fait part de la bonne nouvelle à Paris.
    Bernadette Chirac se souvient de l'été américain de son fiancé : « Là-bas, il rencontre une jeune fille “ravissante” – à ce qu'il dit, je n'en ai vu que des photos. Elle l'appelait Honey child . Bref, le voici qui écrit des États-Unis à ma belle-mère (j'ai gardé ses cartes postales) : “Je suis fiancé !” Cette Américaine au volant de magnifiques voitures décapotables lui avait tapé dans l'œil. Ma belle-mère m'a téléphoné chez mes parents : “Mademoiselle, vous ne voudriez pas venir prendre une tasse de thé avec moi, car je suis très inquiète pour mon fils…” J'y suis allée. “C'est épouvantable ! Il faut que vous m'aidiez : je ne veux pas d'une belle-fille américaine qui roule en décapotable !” »
    La riposte des parents a été efficace : « Ça a chauffé. Je me suis défiancé », conclut sobrement le président, peu prolixe sur son aventure sentimentale américaine.
    L'échappée a été de courte durée. À son retour des États-Unis, Jacques Chirac décide de se fiancer avec Bernadette Chodron de Courcel et reprend avec brio ses études à Sciences-Po. Il est sur les rails. Ce parcours classique ne mérite pas grande attention, car il ne révèle rien sur le « mystère Chirac ».

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