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L'inconnu de l'Élysée

L'inconnu de l'Élysée

Titel: L'inconnu de l'Élysée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Péan
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En juin 1954, il est reçu 3 e de sa promotion, avec mention « Bien », et peut continuer à envisager d'être haut fonctionnaire. Il part en vacances en Scandinavie avec un ami et trouve sans doute à son goût la Suède et les Suédoises. À son retour, aidé par sa fiancée et protégé par sa mère, il prépare le concours d'entrée à l'ENA, le passe, et, sans attendre de connaître les résultats, part seul aux États-Unis où il va préparer un numéro spécial sur le port de La Nouvelle-Orléans pour la revue L'Import-Export français 7 . C'est le père de Jacques qui a trouvé ce job pour le compte d'un périodique proche de Marcel Bloch, devenu après la guerre Marcel Dassault. « J'ai été moi aussi journaliste », me dit-il en me tendant des photocopies de ce numéro où apparaît sa signature. En novembre, Marie-Louise téléphone à son fils pour lui annoncer la bonne nouvelle : il est reçu à l'écrit de l'ENA. Quelques semaines plus tard, il passe le grand oral devant une dizaine de personnalités. Il a contracté ce jour-là une bonne grippe. Louis Joxe lui pose la dernière question.
    « On se réfère beaucoup à la philosophie de ce médecin de l'Antiquité…, vous voyez qui je veux dire, monsieur Chirac ?
    – Oui, monsieur le président, vous voulez parler d'Hypocrite ? »
    La salle s'est esclaffée mais Jacques Chirac n'en a pas moins été admis à l'ENA. Sa carrière semble désormais toute tracée 8 . Mais, avant d'entrer à l'École, il doit encore faire son service militaire.
    Jacques Chirac : « À l'époque, les élèves de l'ENA étaient dispensés de faire leurs six mois de classes. J'ai d'abord été affecté dans la Marine. Je reconnais que j'ai le mal de mer, mais ce n'est pas la raison majeure pour laquelle je ne voulais pas être incorporé dans la Marine. Je voulais aller en Algérie, et pas me planquer. Question de principe ! Dès réception de ma feuille de route, j'ai donc décidé de tout faire pour changer d'affectation. Mais je ne connaissais personne. Je ne sais plus par quel biais, j'ai pu quand même obtenir un rendez-vous au ministère de la Défense avec le capitaine de Saint-Victor : “Pourquoi veux-tu changer d'affectation ? m'a-t-il demandé. – Je ne veux pas être un planqué. Je veux partir en Algérie…” Il a très aimablement fait le nécessaire. Du coup, quand ma convocation dans la Marine a été annulée, j'ai été convoqué à l'école de Cavalerie de Saumur.
    « J'ai donc dû y faire normalement mes six mois d'instruction. J'avais pour chef de peloton un lieutenant qui s'appelait de Villèle. J'étais sérieux et j'ai fait sérieusement mon apprentissage. J'ai passé les examens. Le rang de sortie était important, car il permettait de choisir son affectation en fonction de son classement.
    « Lors de l'annonce des résultats, le colonel Rouvillois, commandant en second de Saumur, a dit : “Je ne citerai pas le nom du premier, je passe au second…” Il arrive au cinquantième, au soixantième, je ne me souviens plus au juste : je n'avais toujours pas été cité… Puis le lieutenant de Villèle a réuni le peloton et prononcé une phrase dont je garderai toujours souvenir : “Nous avons nourri une vipère dans notre sein…” La vipère, c'était moi. “Chirac a été déclassé, il sera donc affecté comme maréchal des logis… – Pourquoi ? – C'est comme ça. C'est la Sécurité militaire…”
    « J'étais quand même emmerdé. Je ne savais pas d'où ça venait. Le colonel Rouvillois m'a gentiment accordé 24 ou 48 heures de permission pour me rendre à Paris et essayer de me démerder.
    « J'étais marié. Un oncle de ma femme, Geoffroy de Courcel, était secrétaire général de l'Élysée, Compagnon de la Libération : un homme tout à fait convenable. Je lui demande rendez-vous, espérant qu'il pourra faire quelque chose, ou à tout le moins m'expliquer de quoi il retourne. Je vais le trouver et il me dit d'une voix très, très froide : “Il y a sur vous un rapport de la Sécurité militaire…” C'est tout juste s'il ne m'a pas dit : “Je regrette que vous ayez épousé ma nièce…”, en tout cas il a dû le penser. Il a ajouté : “Je ne peux rien faire pour vous. C'est comme ça.”
    « Je suis ressorti. Je ne comprenais toujours pas d'où ça venait. Je me suis alors tourné vers un de mes vieux maîtres, le professeur Chardonnet, qui avait été mon maître à Sciences-Po, un homme

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