L'inconnu de l'Élysée
relations entre son père et le futur président se sont vraiment nouées à partir du moment où celui-ci s'est occupé d'aéronautique au cabinet de Georges Pompidou. « Après, c'est vrai, mes parents voyaient souvent Jacques Chirac et Bernadette. Ils venaient fréquemment à la maison, à Passy… Il est sûr que c'est à partir de ce moment-là qu'on s'est vraiment intéressé à Chirac… »
Le chef de l'État confirme : « J'ai commencé à avoir des relations suivies avec Marcel Dassault, justifiées par des raisons autres qu'amicales, lorsque je suis entré au cabinet Pompidou. Pourquoi ? Parce que je devais, de par mes fonctions, m'occuper d'aéronautique.
– Fut-il à l'origine de votre nomination au cabinet de Pompidou ?
– Absolument pas. J'y suis entré par hasard, et il m'est échu le même portefeuille qu'à mon prédécesseur : l'aéronautique, les constructions navales, tout ce qui était transport maritime et aérien…
– Donc Dassault…
– Donc Dassault. Tout naturellement, j'ai noué de nombreux contacts avec lui qui, de surcroît, me connaissait bien. À partir de là, on a beaucoup parlé. Il me faisait part de sa vision des choses, de ses positions politiques… En réalité, il était radical. Il était également gaulliste, mais il était foncièrement radical. Et il était très, très patriote, ce qui m'impressionnait beaucoup… J'allais donc au rond-point où il avait ses bureaux. »
J'aborde ici la question du financement de sa carrière politique.
« Il m'a conseillé pour lancer un journal et m'a proposé le concours de Philippe Alexandre pour me donner un coup de main. C'est moi qui ai créé L'Essor du Limousin , avec Alexandre comme conseiller technique. J'en étais le patron…
– Financé par Dassault ?
– Non, car Dassault ne voulait pas qu'il y eût un lien financier quelconque avec moi. Il en avait avec d'autres. Avec moi, jamais. Il payait seulement Alexandre. Dassault avait des principes. Il y avait, j'en suis persuadé, des gens qu'il aidait. Mais moi, je n'en ai jamais fait partie. Il m'avait dit très clairement qu'il était exclu qu'il me donne quoi que ce soit. D'ailleurs, je ne lui demandais rien du tout.
– Pourtant, on parle de cette aide dans toutes les biographies qui lui ont été consacrées. On dit qu'il a été votre principal bailleur de fonds…
– Les gens sont de mauvaise foi ou disent n'importe quoi. Dassault était un personnage qui avait énormément de principes. Je suis persuadé qu'il y avait des gens qu'il rangeait dans la catégorie de ceux qui, pour diverses raisons, politiques, industrielles ou autres, devaient être payés. Dès lors, il les payait. C'était dans sa nature. Mais il y avait aussi des gens à qui il vouait de l'estime ou de l'amitié, et il ne lui serait jamais venu à l'idée de payer ces gens-là… Il avait des principes bien arrêtés en matière d'argent…
– Mais il a financé votre parti, il l'a même reconnu dans une interview accordée à Paris Match …
– C'est très possible. Il a financé beaucoup de partis politiques. Mais je peux vous dire qu'il n'y a jamais eu de liens financiers directs entre Dassault et moi. Il ne l'aurait pas supporté, pas admis. C'était totalement étranger à sa morale. C'est un sujet qu'il n'a jamais abordé avec moi, ni de près ni de loin. Ni pour mes propres campagnes ni pour mon parti. J'en connais d'autres qui ont financé le parti. Lui-même l'a peut-être fait, mais pas par mon intermédiaire…
– Il a dit : “Le RPR, c'est ma danseuse…”
– C'est fort possible. Cela fait partie de ce qui était alors reconnu comme des liens non condamnables. Mais, pour des raisons de principe, il ne serait jamais passé par moi. J'aurais même été le dernier avec qui il l'aurait fait. Je crois qu'il m'aimait bien, qu'il me connaissait bien ; il n'était pas homme à mélanger les genres…
– C'est pourtant une histoire qu'on n'a cessé de ressasser…
– Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'elle n'est pas vraie. Je vous le répète : cela ne s'est pas fait pour une raison bien simple, c'est que ça n'était pas dans sa forme d'esprit…
– Parce que vous étiez trop proche de lui ?
– Ce n'était pas dans la nature de nos liens. Il n'était pas imaginable, pour lui, de me donner de l'argent. Et il n'était pas imaginable, pour moi, de lui en demander… »
Les archives Dassault consultées par le professeur Claude
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