Lionel Lincoln (Le Siège de Boston)
Cécile, non comme une femme cherchant à maintenir le faux orgueil de son sexe, mais en femme franche et généreuse comme vous l’êtes. Si les évènements des six derniers mois devaient se renouveler, aimeriez-vous mieux alors pleurer en secret comme mon accordée que donner un libre cours à la douleur légitime d’une épouse qui n’a pas à rougir de sa tendresse ?
De grosses larmes brillèrent dans les yeux de miss Dynevor, et ce ne fut qu’après qu’elles eurent coulé le long des franges de soie qui les bordaient, qu’elle le regarda en rougissant, et lui répondit :
– Ne croyez-vous donc pas que j’aie assez souffert, comme vous étant unie par les liens de l’affection ? Pensez-vous qu’il faille des nœuds plus étroits pour combler la mesure de mes souffrances ?
– Je ne puis même vous remercier comme je le voudrais de ces larmes si flatteuses, avant que vous ayez répondu franchement à ma question.
– Cela est-il bien généreux, Lincoln ?
– En apparence, peut-être non ; mais en réalité, certainement oui. De par le ciel, Cécile, je ne consulte pas plus mon propre bonheur que le désir de vous mettre à l’abri du rude contact du monde.
Miss Dynevor parut non seulement confuse, mais chagrine, et elle lui dit en baissant la voix :
– Vous oubliez, major Lincoln, que j’ai à consulter quelqu’un sans l’approbation de qui je ne puis rien promettre.
– Eh bien ! voulez-vous vous en rapporter à la décision de Mrs Lechmere ? et si elle approuve notre union immédiate, puis-je lui dire que vous m’avez autorisé à lui en faire la demande ?
Cécile ne dit rien, mais souriant à travers ses larmes, elle tendit la main à Lionel, d’une manière que le moins présomptueux n’aurait pu s’empêcher d’interpréter favorablement.
– Venez donc, s’écria-t-il, hâtons-nous de nous rendre chez Mrs Lechmere ; ne m’avez-vous pas dit qu’elle m’attendait ? Cécile permit que Lionel prît son bras pour le passer sous le sien, et elle se laissa conduire hors du parloir. Quoique Lionel fût sous l’influence des plus douces espérances, tandis qu’il conduisait sa compagne à travers toute la maison, ce n’était pas sans une secrète répugnance qu’il approchait de la chambre de Mrs Lechmere. Il lui était également impossible d’oublier tout ce qu’il avait vu et entendu, et de calmer les noirs soupçons qui avaient pénétré dans son cœur. Cependant le but qu’il se proposait le portait à hâter sa course, et un seul regard jeté sur l’être tremblant qui avait besoin de s’appuyer sur lui pour se soutenir, éloigna bientôt de son esprit toutes pensées fâcheuses.
L’air faible et souffrant de Mrs Lechmere, et le souvenir subit que sa maladie n’avait eu pour cause que son inquiétude pour lui, plaidèrent si bien en faveur de sa tante, que Lionel l’aborda non seulement avec cordialité, mais avec un sentiment qui ressemblait à la reconnaissance.
L’indisposition de Mrs Lechmere durait depuis plusieurs semaines, et ses traits, que depuis longtemps l’âge avait flétris, portaient des traces profondes de sa dernière maladie. Sa figure, plus pâle et plus maigre que de coutume, avait encore cette expression d’inquiétude qu’inspirent presque toujours des souffrances vives et prolongées. Son front cependant était serein et satisfait, quoique par intervalles un frémissement involontaire et passager vînt encore trahir les douleurs que lui avait laissées la maladie. Elle reçut les deux jeunes gens avec un sourire plus affable qu’à l’ordinaire, et auquel ses traits pâles et rongés de soucis donnaient une expression toute particulière.
– Un malade est bien aimable de venir voir ceux qui se portent bien, cousin Lionel, dit Mrs Lechmere en lui présentant sa main desséchée ; car après avoir tremblé si longtemps pour vos jours, ma légère indisposition est bien peu de chose auprès de vos cruelles blessures.
– Je souhaiterais vous voir aussi bien rétablie que moi, répondit Lionel en lui pressant la main avec affection ; je n’oublierai jamais que votre sollicitude pour moi a été la seule cause de votre maladie.
– Ne parlons pas de cela ; il est naturel que nous nous intéressions vivement à ceux que nous aimons. J’ai vécu pour vous voir bien rétabli, et, Dieu aidant, je vivrai encore assez pour voir réprimer cette malheureuse rébellion. Elle s’arrêta, regarda en souriant
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