Lionel Lincoln (Le Siège de Boston)
conversations qu’il avait avec elle, ne prononçait que très-rarement le nom de sa tante, et qu’elle n’en parlait jamais qu’avec une réserve et une retenue qui paraissaient portées à l’extrême. Leur confiance augmenta pourtant à mesure qu’ils se virent plus souvent, et Lionel commença peu à peu à soulever le voile dont une modestie timide couvrait les sentiments de Cécile, et à lire dans un cœur dont la pureté et la sincérité n’exigeaient pas de grandes recherches pour se faire connaître.
En revenant de l’église, Cécile et Agnès se rendirent sur-le-champ dans l’appartement de leur tante, et laissèrent Lionel en possession du petit salon boisé, Polwarth étant retourné chez lui. Le major passa quelques minutes à s’y promener en réfléchissant sur la scène dont il avait été témoin avant d’entrer dans l’église, et fixant quelquefois les yeux, sans y faire aucune attention, sur les ornements sculptés sur la boiserie, et parmi lesquels les armoiries de sa maison occupaient la place la plus honorable. Enfin il entendit le bruit de cette marche légère, qu’il avait trop bien appris à connaître pour pouvoir s’y méprendre, et, presque au même instant, miss Dynevor entra dans l’appartement.
– Et Mrs Lechmere, lui dit-il en la conduisant vers un sofa et s’y plaçant à côté d’elle, j’espère que vous l’avez trouvée mieux ?
– Elle est si bien, répondit Cécile, qu’elle a dessein de se hasarder au point d’avoir ce matin une entrevue avec vous-même. En vérité, Lionel, vous avez tout lieu d’être reconnaissant du vif intérêt que ma tante prend à vous. Quelque malade qu’elle ait été, elle n’a jamais cessé de demander des nouvelles de votre santé, et je l’ai vue refuser de répondre aux questions que le médecin lui faisait sur la sienne, avant qu’il lui eût rendu compte de l’état dans lequel il vous avait trouvé.
Quelques larmes sortirent des yeux de Cécile, tandis qu’elle parlait ainsi, et la vivacité des sentiments qui l’animaient chargea son teint d’un coloris plus foncé.
– C’est donc à vous que je devrais une grande partie de ma reconnaissance, dit Lionel, si, en unissant votre sort au mien, vous me rendez encore plus précieux à ses yeux. Avez-vous fait connaître à Mrs Lechmere toute l’étendue de ma présomption ? Lui avez-vous appris nos engagements ?
– Pouvais-je faire autrement ? Tant que votre vie a été en danger, j’ai renfermé dans mon cœur le secret de tout l’intérêt que je prenais à votre situation ; mais, quand nous avons pu nous flatter de l’espoir de votre guérison, j’ai mis votre lettre entre les mains de celle de qui je dois naturellement attendre des conseils, et j’ai la consolation de savoir qu’elle approuve mon… Que dirai-je, Lionel ? ne devrais-je pas dire ma folie ?
– Dites tout ce qu’il vous plaira, s’écria Lincoln, pourvu que vous ne désavouiez pas vos sentiments. Je me suis interdit jusqu’à présent de demander à Mrs Lechmere quelles étaient ses vues pour vous, attendu l’état de sa santé ; puis-je me flatter, Cécile, que je n’en essuierai pas un refus ?
Le cœur de Cécile fut vivement ému ; son front se couvrit de ce coloris qui annonce la santé ; mais la pâleur revint presque aussitôt sur ses joues. Elle jeta un regard de reproche sur son amant, et lui répondit avec calme, quoique avec un léger mélange de déplaisir :
– Mon aïeule peut avoir eu le tort de voir d’un œil trop partial le chef de sa propre famille ; mais si cela est, sa récompense ne doit pas être la méfiance. J’ose dire que cette faiblesse est fort naturelle, quoique ce soit une faiblesse.
Lionel comprit pour la première fois la cause des variations qu’il avait remarquées dans la manière dont Cécile avait reçu ses soins jusqu’au moment où elle avait senti que son cœur s’intéressait à lui ; mais sans laisser apercevoir la découverte qu’il venait de faire, il lui répondit :
– La reconnaissance ne mérite pas un nom aussi dur que celui de méfiance, et ma vanité ne me permet pas de donner celui de faiblesse à une partialité qui m’est si favorable.
– Ce mot est juste, dit Cécile en souriant avec sa douceur ordinaire, et l’on peut s’en servir sans scrupule quand on l’applique à la pauvre nature humaine. Vous me pardonnerez peut-être de l’avoir employé, si vous songez que nos
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