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Lionel Lincoln (Le Siège de Boston)

Titel: Lionel Lincoln (Le Siège de Boston) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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concitoyens devait céder à des considérations plus importantes. L’heure arriva bientôt où le marchand oublia sa curiosité pour calculer dans l’avenir les résultats que pouvaient amener les événements qui se préparaient ; où les fanatiques apprirent cette leçon salutaire, que la Providence favorise toujours ceux qui, par leurs efforts et leur énergie, se montrent les plus dignes de ses bienfaits ; et où les jeunes gens, dégagés de tout sentiment faible ou pusillanime, sentirent leurs cœurs s’embraser de la plus noble, de la plus entraînante de toutes les passions, l’amour du pays.
    Ce fut vers cette époque que commença entre le parlement de la Grande-Bretagne et les colonies de l’Amérique septentrionale cette lutte de principes qui, avec le temps, devait amener les importants résultats qui ont établi une nouvelle ère dans la liberté politique, aussi bien qu’un puissant empire. Un coup d’œil rapide sur la cause de cette contestation pourra contribuer à rendre plus intelligible pour quelques uns de nos lecteurs plusieurs passages de cette légende.
    La prospérité toujours croissante des provinces américaines avait attiré l’attention du ministère anglais dès l’année 1763. Ce fut alors que, pour la première fois, il tenta, par le fameux acte du timbre, de prélever un impôt qui pût subvenir aux besoins de l’état. Cette loi assujettissait les colonies à se servir dans toutes les transactions d’un papier timbré vendu au profit du fisc, et qui était nécessaire pour donner de la validité aux contrats. Cette manière de lever une taxe n’était pas nouvelle en elle-même, et l’impôt était bien léger. Mais l’Américain, avec non moins de sagacité que de prudence, aperçut d’un coup d’œil le danger de reconnaître à un corps dans lequel il n’avait point de représentants le droit de lui imposer des taxes. La question pouvait offrir matière à contester, mais le bon droit était clairement du côté des colons. Se confiant en la justice de leur cause, et ayant peut-être la conscience de leur force, ils s’opposèrent à l’oppression avec une ardeur qui était le résultat de ces sentiments, et en même temps avec un sang-froid qui prouvait la fermeté de leur résolution. Après une lutte de près de deux ans, pendant laquelle la loi fut rendue inutile par l’accord unanime de tout le peuple, qui refusa de faire usage du papier timbré, et qui le détruisait partout où il pouvait le trouver, le ministère, instruit que cette loi sans résultat devenait encore dangereuse pour les serviteurs de la couronne chargés de la mettre à exécution, finit par l’abandonner. Mais, en révoquant l’acte du timbre, le ministère en préparait un autre pour assurer à la Grande-Bretagne la dépendance des colonies américaines {30} .
    Qu’un empire dont les différentes parties étaient séparées par les mers, et dont les intérêts étaient souvent opposés, ait fini par s’ébranler et par succomber sous son propre poids, c’était un événement que tout homme sage devait prévoir. Mais si l’on n’avait d’autre preuve que les Américains ne songeaient pas dès lors à cette scission, ou en trouverait une dans le calme, dans la tranquillité qui se répandit dans toutes les colonies, du moment où l’on apprit que l’acte du timbre était révoqué. Si ce désir prématuré d’indépendance eût existé, le parlement aurait bien imprudemment fourni les matériaux propres à alimenter l’incendie, par le nouveau plan dont nous avons parlé. Mais, satisfaits des avantages solides qu’ils avaient obtenus, pacifiques par habitude, et pleins de franchise et de loyauté par principe, les colons riaient tout bas du simulacre de pouvoir de ceux qui se croyaient leurs maîtres, et se félicitaient les uns les autres de la victoire plus réelle qu’ils avaient remportée.
    Si les ministres, instruits par l’expérience, eussent renoncé à un projet dangereux, l’orage se serait dissipé, et un autre siècle aurait été témoin des événements que nous allons rapporter. Mais à peine les esprits étaient-ils calmés, que le ministère essaya de faire revivre ses prétentions sous une forme nouvelle.
    Lorsqu’on avait voulu lever un impôt en créant le papier timbré, le peuple avait facilement rendu cette mesure illusoire en refusant de se servir du papier prescrit ; mais dans celle dont il s’agit, on crut avoir trouvé un expédient

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