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L'ombre du vent

L'ombre du vent

Titel: L'ombre du vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Carlos Ruiz Zafón
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à
identifier...
    –
L'inspecteur Francisco Javier Fumero...
    – Orgueil
et bastion de la Préfecture de Police. Tu sais ce que ça signifie,
Daniel ?
    – Que nous
avons donné des coups à l'aveuglette depuis le début.
    Barceló
prit son chapeau et sa canne, et se dirigea vers la porte en hochant la tête.
    – Non. Que
les coups vont commencer maintenant.

 
     
     
     
     
     
    27
     
     
     
     
    Je passai
l’après-midi à ruminer la lettre funeste qui m'annonçait mon incorporation dans
l'armée et à guetter un signe de vie de Fermín. L'heure de la fermeture était
déjà passée, et Fermín continua de jouer la fille de l'air. Je pris le
téléphone et appelai la pension de la rue Joaquin Costa. Mme Encarna me dit
d'une voix fortement anisée qu'elle n'avait pas vu Fermín de la journée.
    – S'il
n'est pas là dans une demi-heure, il dînera froid, je ne suis pas le Ritz. Il
ne lui est rien arrivé, au moins ?
    – Ne vous
inquiétez pas, madame Encarna. Il avait un rendez-vous, et il a dû s'attarder.
En tout cas, si vous le voyez avant d'aller vous coucher, je vous serai très
reconnaissant de lui dire d'appeler Daniel Sempere, le voisin de votre amie
Merceditas.
    – Je le
ferai, mais je vous préviens : à huit heures et demie, moi, je suis au
lit.
    Après quoi
j'appelai chez Barceló, dans l'espoir que Fermín était allé là-bas vider le
garde-manger de Bernarda ou lui conter fleurette dans la lingerie. Je n'avais
pas pensé que ce serait Clara qui me repolirait.
    – Daniel,
en voilà une surprise.
    Pour moi
aussi, me dis-je. Avec des circonlocutions dignes de M. Anacleto, je plaçai
l'objet de mon appel dans la conversation tout en faisant semblant de ne lui
accorder qu'une importance secondaire.
    – Non,
Fermín n'est pas passé aujourd’hui. Et je crois que Bernarda est restée avec
moi toute l'après-midi. Nous avons parlé de toi, tu sais.
    – Eh bien,
la conversation n'a pas dû être palpitante !
    – Bernarda
dit qu'elle te trouve très beau, que tu es devenu un homme.
    – Je
prends beaucoup de vitamines.
    Un long
silence.
    – Daniel,
tu crois que nous pourrions redevenir amis un jour ? Combien d'années
faudra-t-il pour que tu me pardonnes ?
    – Nous
sommes amis, Clara, et je n’ai rien à te pardonner. Tu le sais.
    – Mon
oncle m'a dit que tu continues d’enquêter sur Julián Carax. Si tu passais un
jour, à l’heure du thé, tu pourrais me raconter ce que tu as découvert.
    – Un de
ces jours, je n'y manquerai pas.
    – Je vais
me marier, Daniel.
    Je restai
à regarder l'écouteur. J'eus l'impression que mes pieds s'enfonçaient dans le
sol ou que mon squelette rétrécissait de plusieurs centimètres.
    – Tu es
toujours là, Daniel ?
    – Oui.
    – Ça t'a
surpris.
    J'avalai
ma salive qui avait la consistance du ciment armé.
    – Non. Ce
qui me surprend, c’est que tu ne sois pas déjà mariée. Ce ne sont pas les
prétendants qui doivent manquer. Qui est l'heureux élu ?
    – Tu ne le
connais pas. Il s'appelle Jacobo. C'est un ami de mon oncle Gustavo. Il est à
la direction de la Banque d'Espagne. Nous nous sommes rencontrés à un récital
d'opéra organisé par mon oncle. Il est plus vieux que moi, mais nous nous
entendons bien, et c'est le plus important, tu ne trouves pas ?
    Je
refoulai l'ironie qui me montait aux lèvres en me mordant la langue. Elle avait
un goût de poison
    –
Naturellement... Eh bien ! toutes mes félicitations.
    – Tu ne me
pardonneras jamais, n'est-ce pas, Daniel ? Pour toi, je serai toujours
Clara Barceló la perfide.
    Il y eut
un autre silence à couper au couteau.
    – Et toi,
Daniel ? Fermín m'a dit que tu as une petite amie ravissante.
    – Il faut
que je te laisse, Clara, un client vient d'entrer. Je te rappellerai dans la
semaine, et nous prendrons rendez-vous pour l'après-midi. Encore toutes mes
félicitations.
    Je
raccrochai et soupirai.
    Mon père
revint de sa visite au client, l'air abattu et peu désireux de faire la
conversation. Je mis la table, et il prépara le dîner sans presque me poser de
questions sur Fermín ou la journée à la librairie. Nous mangeâmes sans décoller
les yeux de notre assiette et retranchés dans le bavardage de la radio. Mon
père avait à peine touché à la nourriture. Il se bornait à tourner sa cuiller
dans la soupe aqueuse et sans saveur, comme s'il cherchait de l'or au fond.
    – Tu n'as
rien mangé, dis-je.
    Il haussa
les épaules. La radio continuait à nous mitrailler de

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