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Londres, 1200

Londres, 1200

Titel: Londres, 1200 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean (d) Aillon
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surmonté toutes les épreuves que le
destin lui avait imposées, mais il n’en était rien. En lui annonçant qu’elle le
quittait, elle lui avait confié en pleurant qu’elle se faisait violence pour
surmonter son inclination, mais que l’amour qu’elle devait au Seigneur Jésus
devait l’emporter, quoi qu’il lui en coûte. Elle l’aimait et il l’aimait.
Pourtant ils resteraient séparés dans ce monde. N’était-ce pas une preuve qu’il
avait été conçu par Lucifer ?
    Sans doute. Aussi ne regrettait-il pas d’avoir
risqué sa vie pour elle. Sanceline méritait d’être aimée. Elle resterait
éternellement dans son cœur et il la retrouverait dans l’éternité, car il
savait que les sentiments entre eux étaient indissolubles.
    Pour ne pas demeurer accablé par cette douleur que
provoque l’amour quand il est séparé de l’espérance, il entreprit de composer
une chanson afin de garder d’elle les meilleurs souvenirs.
     
    Puisque
d’amors m’estuet chanter,
Chanconnette commencerai ;
Et, pour mon cuer réconforter,
De novele amor chanterai.
Dex ! tant me fit à li penser
Celé dont ja ne partirai…
     
    En chantonnant ainsi, sa pensée vagabondait autour
des trois femmes qu’il avait aimées : Amicie de Villemur, qui en avait
épousé un autre, plus riche. Constance Mont Laurier, trop cruelle, et
Sanceline, qui choisissait de devenir Parfaite. Il avait à chaque fois été
vaincu par des adversaires plus puissants que lui : l’argent, la haine et
la religion.
    Sans qu’il cherche à le retenir, un torrent de
souvenirs le submergea. Orphelin, il avait quitté Marseille pour partir sur les
routes. Il avait été voleur avant de rejoindre des Cottereaux puis la compagnie
de Mercadier. Comme il savait lire et qu’il connaissait des rudiments de latin
et de calcul, il avait attiré l’attention du capitaine mercenaire, et comme il
était vaillant, celui-ci en avait fait un sergent, puis chevalier. Malgré cela,
Guilhem avait rompu l’hommage qui les liait, ne supportant plus la sauvagerie
de son suzerain. Il avait rejoint la compagnie franche de Lambert de Cadoc,
l’homme lige du roi de France.
    C’est Cadoc qui l’avait envoyé à Toulouse dont le
comte recherchait des mercenaires. Mais arrivé là-bas, celui qui l’avait fait
venir était mort. Son fils, le nouveau comte, avait répudié son épouse et
épousé Jeanne, la sœur de Richard Cœur de Lion, en échange d’une alliance. Bien
que n’ayant plus besoin de mercenaires, Raymond de Saint-Gilles l’avait gardé à
son service. Guilhem lui avait donné sa foi. Entre eux était née une relation
d’estime et d’amitié. Le comte, qui rêvait de restaurer la puissance du comté
perdue par son père, l’avait envoyé en Provence où il avait rencontré Robert de
Locksley, Anna Maria et Bartolomeo.
    À la cour de Saint-Gilles, Guilhem avait découvert
les troubadours et l’amour courtois : le fin’amor. Il avait une belle voix
et jouait de la viole quand il était soldat. Qui mieux que lui aurait pu
chanter les prouesses guerrières et les valeurs héroïques ? Il possédait
un vrai talent pour composer des ballades où il évoquait des sentiments délicats.
Son instrument de prédilection était devenu une vielle à roue dont il tirait
des sons étonnants. Il avait oublié Mercadier et Lambert de Cadoc jusqu’au jour
où Anna Maria était venue le chercher pour retrouver son mari accusé de vol à
Châlus. C’est ainsi qu’il avait rencontré les tisserands cathares et Sanceline.
Maintenant l’histoire se terminait.
    Anna Maria vint le rejoindre pour lui porter un
morceau de gibier et de la bouillie d’orge. Elle savait, ou elle avait deviné,
pour Sanceline.
    — Tu ne pouvais lutter contre Celui à qui
elle a donné sa foi, Guilhem, lui dit-elle pour le consoler.
    — Je ne suis pas fait pour les femmes,
Marianne, répliqua-t-il avec une ironie forcée. Je suis fait pour tuer, pas
pour aimer.
     
    Le lendemain, il remit à Sanceline une part de son
butin et de l’or de Philippe Auguste. Cinq marcs d’argent et dix pièces d’or,
qu’elle utiliserait à son gré.
    Il resta éloigné d’elle jusqu’au soir où, à
quelques jours de leur arrivée à Albi, il vint s’installer auprès des
tisserands rassemblés autour de leur feu. Les Saxons avaient toujours leur
campement à l’écart.
    — Compagnons, leur dit-il, nous nous
séparerons dans deux ou trois jours. Je veux ce soir vous parler d’Albi

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