Londres, 1200
et de
mon fief de Lamaguère. Vous connaissez tous les liens d’affection et d’amour
qu’il y avait entre Sanceline et moi. Elle a choisi sa foi, mais elle garde
toute sa place dans mon cœur. Elle a décidé de rester à Albi, mais sachez que
ceux d’entre vous qui veulent venir à Lamaguère le peuvent. Il y aura de la
place dans mon fief pour des maîtres artisans tels que vous. Ceux qui le
souhaitent pourront continuer à tisser et vendre leurs draps à Auch.
— Seigneur d’Ussel, commença Noël de
Champeaux en se raclant la gorge pour dissimuler son embarras, nous vous serons
éternellement reconnaissants pour ce que vous avez fait pour nous. Pour ma
part, avec les miens, je souhaite vivre désormais dans ma foi et sans violence.
Il eut un rapide regard vers le groupe des Saxons.
— À Albi, je sais que je connaîtrai la paix.
Guilhem hocha la tête tant il se doutait de la
réponse.
— Je ferai comme mon ami Noël, dit à son tour
le gros Bertaut, et je prierai chaque jour pour vous, seigneur d’Ussel.
— Merci, Bertaut, que la divine Providence te
protège aussi.
— Ma femme veut rester avec ses parents,
annonça Estienne, une ombre de regret dans la voix.
— Ceux qui iraient avec vous, pourraient-ils
pratiquer leur foi librement ? demanda Aignan le libraire.
— Je m’y engage.
— Alors, si vous avez besoin d’un homme
sachant compter et bien manier la plume, je viendrai avec vous, seigneur
d’Ussel, car je ne connais pas la langue ici, et bien que Mathilde ait commencé
à me l’apprendre, je suis pour l’instant incapable d’écrire et de vendre des
parchemins comme je le faisais à Paris.
Guilhem opina, satisfait, tant il avait besoin
d’un tel homme pour s’occuper des chartes de son fief, maintenant qu’il avait
perdu Sanceline.
— J’aimerais aussi venir avec vous, seigneur,
intervint simplement Thomas le cordonnier.
— Je te prends avec moi, Thomas, ainsi que ta
sœur.
— Moi aussi, seigneur, dit Geoffroi le
tavernier, qui n’avait rien osé dire jusqu’à présent. Si vous voulez de moi
pour remplir vos caves ! ajouta-t-il en plaisantant.
— Je te prends aussi avec moi, Geoffroi.
Seul le Flamand n’avait pas parlé.
— Et toi, Jehan ? demanda Ussel.
— Je n’ai pas tué Godefroi, seigneur.
Guilhem hocha la tête.
— Je ne serais pas resté avec vous si Gilbert
était encore de ce monde, seigneur, expliqua Jehan, car il importunait ma
femme, mais maintenant qu’il est mort – Dieu ait son âme – je
souhaite entrer à votre service, ainsi que ma famille et ma servante. Seulement
je crains que les Saxons ne m’acceptent pas, car ils disent que j’ai tué l’un
des leurs.
— C’est moi le seigneur de Lamaguère, Jehan,
répliqua rudement Guilhem. Les Saxons qui m’accompagnent sont au service de mon
ami, et ils ne resteront pas chez moi. Quand le comte de Huntington aura reçu
la réponse qu’il attend, il me quittera. Jusque-là, les Saxons n’auront rien à
dire et, s’il le faut, vous réglerez votre différend dans une ordalie, avec des
bâtons.
— Je suis prêt à me battre, seigneur, car je
suis dans mon droit et le Seigneur Jésus me protégera.
— Alors tu viendras avec moi, avec ta famille
et avec Jeanne. Maintenant que vous avez tous choisi, je dois vous parler du
pays où vous allez vivre.
Il se tut un instant et son regard balaya leurs
visages pour vérifier qu’ils étaient attentifs.
— Le comte de Toulouse, Raymond de
Saint-Gilles, mon seigneur à qui j’ai donné ma foi, ne rend hommage qu’au roi
de France. Il est ici le suzerain de plusieurs vicomtés. La première est
Narbonne, dont le vicomte a souvent été en guerre avec lui, bien qu’il lui
doive fidélité. Il y a beaucoup des vôtres dans cette vicomté, car
l’archevêque, Bérenger de Barcelone, ne s’oppose pas à eux tant il a de rudes
différends avec Rome.
« Il y a ensuite la vicomté de Béziers, dont
font partie Albi et Carcassonne. Roger Trencavel, le père du vicomte actuel,
avait épousé Adélaïde, la tante du comte de Toulouse. Ça ne l’a pas empêché de
combattre Toulouse qui revendiquait la suzeraineté de Carcassonne. Durant cette
guerre, il s’est allié au roi d’Aragon, mais la paix a finalement été faite il
y a quinze ans. C’est durant ces guerres intestines que votre religion s’est
répandue ici, car Trencavel s’était déclaré protecteur des manichéens. C’est à
Béziers que les
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