Londres, 1200
Guilhem d’Ussel avaient
échangé des regards inquiets. Ils savaient qu’ils traverseraient un pays en
désordre, mais ne pensaient pas croiser la route des armées de Brandin. Comment
pourraient-ils se défendre face à des hordes de routiers ivres de pillage et de
meurtres ?
Entre-temps, Aliénor était revenue et le vicaire
était retourné dans la salle. Ensuite les hommages s’étaient poursuivis
jusqu’au moment où le chambellan avait appelé Robert de Locksley pour un
entretien privé. Il s’y était rendu avec Anna Maria, tenant à la main le sac
contenant la statuette d’or, enjeu du siège de Châlus où Richard avait trouvé
la mort. Cette statuette qu’il avait été accusé d’avoir volée, et qu’il avait
retrouvée.
Guilhem était alors retourné à leur auberge avec
Bartolomeo. Son ami rentrerait plus tard avec Anna Maria, son écuyer et ses
quatre archers.
La veille, quand ils étaient arrivés, ils avaient
découvert une ville grouillant de réfugiés et d’hommes en armes. À cette
foultitude s’ajoutaient la cour d’Aliénor et les vassaux qui arrivaient de tout
le Poitou, avec leur suite.
Appliquant l’ancestral droit de gîte attribué aux
seigneurs, le grand chambellan de la cour avait réquisitionné les meilleures
maisons pour les chevaliers de la duchesse, puisque le palais ducal et le
donjon de la tour Maubergeon n’auraient pu héberger tout ce monde. Les barons
venus prêter allégeance occupaient les hôtelleries et les hommes d’armes
étaient installés chez l’habitant où ils pratiquaient les exactions habituelles
de la soldatesque : pillage, forcements et violences. Quant aux réfugiés,
il ne leur restait que la paille des écuries ou des campements de fortune,
huttes de branches ou de toile, dressés dans les rues ou sur les places.
À prix d’or, Guilhem avait obtenu deux chambres
dans une auberge qui se trouvait le long de la muraille construite par Aliénor
d’Aquitaine [7] .
Les femmes et les enfants étaient dans une des pièces, tandis que Locksley, ses
écuyers, Guilhem, Bartolomeo et les archers avaient pris l’autre. Chaque
chambre avait deux vastes lits où l’on pouvait dormir à huit. Quant à ceux qui
n’avaient pu trouver place à l’intérieur, il leur restait les granges et les
écuries.
Arrivé à l’auberge, Guilhem découvrit Thomas le
cordonnier et Geoffroi le tavernier qui, aidés d’un charron, remplaçaient une
roue du chariot, tandis que Jehan le Flamand s’entraînait à l’arc sur une cible
de paille, sous le regard critique de Regun Eldorman, le second des deux
écuyers de Locksley.
Guilhem descendit de cheval.
— Le moyeu était fendu ? demanda-t-il
aux deux hommes.
— Oui, seigneur. D’après le charron, elle
aurait pu tenir jusqu’à Albi, mais nous avons suivi vos conseils.
— Vous avez eu raison. Là où nous allons, il
n’y aura pas de charron. Si un moyeu de charrette s’élargit ou si un longeron
cède, vous n’aurez plus qu’à en porter le contenu sur votre dos. Où sont les
autres ?
— Les femmes, Bertaut et Noël sont au marché
pour faire des provisions d’orge, d’épeautre et de fèves, seigneur.
— Bartolomeo, trouve deux mules supplémentaires
et deux solides mulets qui remplaceront le bœuf de la charrette ! ordonna
Guilhem à son écuyer.
Pendant qu’ils parlaient, Jehan le Flamand et
Regun Eldorman s’étaient approchés. Jehan le Flamand était roux avec des
épaules de lutteur et un cou de taureau. Tisserand cathare, refusant
jusqu’alors de se battre comme l’exigeait sa religion, il avait quand même
accepté de porter un épieu. Puis il avait découvert qu’il était un archer
adroit et Guilhem se rendait compte qu’il était attiré par le métier des armes.
Quant à Regun, brun et court sur pattes, la vingtaine, c’était un Saxon pauvre
vaguement parent de Locksley, tout comme Ranulphe de Beaujame, son cousin.
— Ami Regun, lui dit Guilhem, nous manquons
d’armes. Or, même si ceux que je conduis à Albi ne souhaitent pas se battre,
ils y seront peut-être contraints. Prends cette poignée d’écus (il ouvrit
l’escarcelle attachée à côté de sa dague). Trouve deux arbalètes pas trop
lourdes, des carreaux ainsi que cinq ou six piques ou guisarmes et quelques rondaches.
Emmène Jehan pour qu’il apprenne comment les choisir. Si tu vois des cuirasses,
ou même des haubergeons à un prix intéressant, ainsi que des chapels de fer,
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